Les dinosaures ont fait leur temps et la relève arrive. Chaque semaine, actuel présente les futurs leaders du pays...
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Très calme, presque timide, Hilana Rizki n’a rien de l’image qu’elle donne lors des manifestations du mouvement du 20-Février. Totalement apolitique jusqu’aux premières lueurs du printemps arabe, elle s’est découvert alors une fibre militante qu’elle semble déterminée à cultiver quelles qu’en soient les conséquences.
« Nous avons d’abord organisé un sit-in en solidarité avec la Tunisie, puis l’idée du mouvement nous est venue spontanément… on a ensuite posté la première vidéo », se souvient-elle.
Les interrogatoires qu’elle a récemment subis au poste de police n’ont pas eu raison de sa détermination à continuer de sortir pour demander des réformes. « C’est à cause de notre décision de boycotter les élections que nous faisons l’objet de ce harcèlement », croit savoir cette jeune cadre de 24 ans, traductrice au prestigieux CDVM.
« Je suis contre la participation car, si on est impliqué dans un système corrompu, on le devient », lance-t-elle, ajoutant que « la réflexion se poursuit toujours pour trouver une alternative afin de satisfaire nos demandes sociales ». Dur à trouver quand même !
Les infiltrés existent
Rares sont les vingtfévrieristes qui admettent que le mouvement a été effectivement infiltré par des tendances radicales. Hilana en fait partie. A bâtons rompus, elle nous parle des traquenards dans lesquels le M20 est tombé, à commencer par l’infiltration du mouvement par les radicaux d’Al Adl Wal Ihsane (Justice et bienfaisance).
Car si elle estime qu’Annahj Addimocrati est « en train de dépasser les limites », Hilana ne mâche pas ses mots pour fustiger les adlistes et leurs « esprits étriqués ». « Personnellement, j’aimerais les voir en dehors du mouvement. Nous devons nous séparer d’eux », dit-elle.
Sa démarche est claire : si elle sort toutes les semaines réclamer de toutes ses forces davantage de réformes, c’est bien pour un « Maroc libre et ouvert d’esprit ». Elle voit mal, de ce fait, que ces revendications soient partagées avec des personnes aux yeux desquels libertés et démocratie ne valent rien.
« C’est une forme de dictature et de fascisme », s’indigne-t-elle sans faire allusion directe aux disciples du cheikh Yassine. Malgré les multiples mises en garde des journalistes et autres observateurs contre le phagocytage du mouvement par les extrémistes, de gauche comme de droite, Hilana et les autres « jeunes indépendants du mouvement » ont quand même accepté « de bonne foi » ces tendances parmi leurs rangs.
« On s’est dit que le mouvement était ouvert et que l’union devait transcender les divergences idéologiques. On a eu tort », reconnaît-elle, mais sans aucun remord. « Je ne regrette rien. Je dirais qu’on a plutôt appris la leçon. » La tendance aujourd’hui est d’officialiser la séparation au lendemain des élections. Pourquoi cette date ? « Simplement parce que les récalcitrants veulent les garder dans nos rangs encore plus longtemps », répond-elle.
Nouveau souffle
Et maintenant, n’est-il pas temps de couper le cordon avec ces tendances ? Elle répond qu’il est temps de le faire et que si ça ne tenait qu’à elle, ce serait déjà fait. Ce qui retarde le passage à l’acte, déplore-t-elle, ce sont les calculs politiques de certains jeunes du mouvement. Essentiellement ceux appartenant aux jeunesses partisanes.
« Ils cherchent le nombre coûte que coûte. Malheureusement plus on grossit les rangs de la sorte, plus on nuit à notre crédibilité devant nos compatriotes », soupire-t-elle. Et de renchérir : « Je préfère manifester toute seule plutôt qu’aux côtés de 1 000 esprits fermés. » Mais ce ne sont pas là toutes les tares du mouvement.
Les slogans bateau brandis les premiers jours dans les rues y étaient aussi pour quelque chose. « Je crois que nous devons nous concentrer davantage sur les détails de nos revendications. Nous préparons même une plateforme détaillée de nos demandes que nous publierons bientôt », annonce la jeune activiste.
L’action sociale « ciblant directement les citoyens » est également au menu du mouvement qui promet, selon elle, « des surprises qui vont inspirer les Marocains ». Rendez-vous après le 25 novembre.
Ali Hassan Eddehbi |