Les dinosaures ont fait leur temps et la relève arrive. Chaque semaine, actuel présente les futurs leaders du pays...
***
Derrière un voile fashion et une tenue BCBG, se cache une militante aguerrie. Si elle rompt avec le dress code révolutionnaire d’usage, Zineb Benlemkaddem, 27 ans, n’hésite jamais à crier dans les mégaphones et à encadrer les foules nombreuses lors des manifestations dominicales du 20-Février.
Professeur d’anglais à l’American Language Center de Rabat et coordinatrice de projet à l’ONG PeaceMaker, Zineb est devenue de facto le porte-parole du M20 dans les médias british et US. Son dernier fait d’armes est sa participation au lancement d’un tout nouveau concept qui a fait le tour des réseaux sociaux : Feb 2.0 (février 2.0).
« Les actions collectives se limitaient, jusqu’à présent, aux manifestations. Après plus de six mois, certains d’entre nous ont compris que la mobilisation passe aussi par la recherche d’une alternative constructive », estime la jeune militante.
D’ou l’initiative d’introduire le concept Feb 2.0, l’objectif étant de préparer le terrain pour un 20 février 2012 beaucoup plus fort, avec une approche inclusive « où les citoyens désireux de construire le Maroc de demain puissent partager leurs idées et projets ». Mais ceci n’empêche pas cela, et Zineb promet que « la pression sera maintenue dans les rues et appuyée par le hashtag #Feb2.0 sur twitter ».
Militante tout court
Sans avoir à lui poser la question, Zineb Benlemkaddem se définit d’elle-même. « Je ne suis pas uniquement membre du 20-Février ni cybermilitante exclusivement. Je suis avant et après tout, une citoyenne indépendante qui milite pour un Maroc meilleur. » Voilà qui est dit.
En effet, à son retour des USA, après un séjour de trois ans partagé entre études en sciences politiques et Trading, Zineb s’est interrogée sur la manière de contribuer à un changement positif au Maroc. « Le social était le seul carré par lequel passait un peu de lumière dans le cachot qui enfermait tous ceux qui voulaient réellement changer un pays accablé par l’analphabétisme, la corruption et la pauvreté », explique-t-elle.
D’ailleurs dans la vidéo où elle présente le Feb 2.0, elle dresse aussi – peut-être involontairement – le portrait d’une nouvelle jeunesse marocaine bien née et que l’on croyait jusque-là insouciante et insensible à son environnement. « Je mange bien, je loge bien et j’ai un bon boulot.
Cela me paraissait normal, jusqu’à ce que je voie de mes propres yeux à quoi ressemblait la misère de beaucoup d’autres jeunes. Sans eux, je ne me serais peut-être jamais rendu compte de l’importance de ce que j’avais », disait, avec émotion, la voix off de la vidéo…
« Le M20 n’est infiltré par personne ! »
En réalité, avec son verbe acéré et son éloquence, Zineb vient de mettre le pied en politique. Disons plutôt qu’elle vient de se découvrir des talents cachés en la matière. Au début du Printemps arabe, elle était à la fois « choquée et émerveillée » de voir des jeunes agir avec autant de force sur le cours des événements dans leurs pays. « J’ai vu la première vidéo du 20-Février. J’ai pensé qu’il était temps de commencer à militer pour une répartition équitable des richesses dans ce pays », raconte-t-elle.
S’ensuivra une belle aventure et une série de manifs réussies jusqu’à la date du 15 mai. « J’ai été traumatisée. Ce qui était supposé être un pique-nique pacifique pour protester contre l’existence du centre de détention secret de Témara a tourné au désastre », se souvient Zineb avec amertume.
Cette mésaventure a selon elle marqué un tournant dans l’évolution du mouvement, dans la mesure où la réaction violente des autorités, suivie de la mort de Kamal Ammari à Safi, a fait peur à beaucoup de gens. « Au lieu d’en vouloir aux autorités, une catégorie en a voulu aux jeunes du mouvement », s’exclame-t-elle.
La théorie du phagocytage du M20 par la gauche radicale et les légionnaires d’Al Adl Wal Ihsane n’a pas non plus de sens à ses yeux : « On ne peut parler d’infiltration que quand on parle d’un mouvement fermé. Quand, le 20 mars dernier, 800 000 personnes ont manifesté sans dérapage dans tout le Maroc, on ne parlait pas d’Annahj ni d’Al Adl, car ils étaient noyés dans la majorité ! » Logique après tout.
Ali Hassan Eddehbi |