Les dinosaures ont fait leur temps et la relÚve arrive. Chaque semaine, actuel présente les futurs leaders du pays...
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Quand jâai voulu faire de la politique, je nâai pu me retrouver dans aucun partiâ!â», lance dâemblĂ©e Imad Khater. A 30 ans, ce podologue, doublĂ© dâun juriste dâaffaires, est le vice-prĂ©sident du forum CompĂ©tences pour le Maroc. Il est Ă©galement un Ă©lĂ©ment remarquable de lâĂ©quipe derriĂšre la crĂ©ation dâun futur parti politiqueâ: le Printemps de la dĂ©mocratie marocaine (PDM).
A lâinstar de nombre de ses congĂ©nĂšres, Imad sâintĂ©resse depuis longtemps Ă la politique, mais sans que cela dĂ©passe le stade de la rĂ©flexion. «âEn 2007, je suis bien sĂ»r aller voter, mais je ne me souviens plus pour quiâŠâ», confie-t-il. Une anecdote qui en dit long sur lâĂ©tat actuel du paysage politique qui déçoit de nombreux jeunes Marocains.
Observateur assidu du champ politique national, il martĂšle que ce sont «âles mĂȘmes qui gĂšrent les choses depuis cinquante ans, sans aucun rĂ©sultat. Les jeunes nâont pas droit de citĂ© au sein de leurs structuresâ».
Janvier dernier, en plein printemps arabe, lui et quelques amis prennent confiance et dĂ©cident de passer Ă lâacte. NaĂźt alors lâidĂ©e dâune association «âĂ vocation politiqueâ». La mouvance suscitĂ©e par le 20-FĂ©vrier a servi de catalyseur, pour aboutir Ă lâidĂ©e dâun parti politiqueâ: on nâest jamais mieux servi que par soi-mĂȘme.
A propos, pour ou contre le M20â? Notre homme ne rĂ©flĂ©chit pas trop Ă la questionâ: «âCes jeunes ont investi les rues pour exprimer leurs revendications. Moi je prĂ©fĂšre passer Ă la participation. Quand on crie ââDĂ©gageâ!ââ Ă certains, il faut bien quelquâun pour les remplacerâ», explique-t-il.
Pour lui, il nây a pas plus dangereux que de laisser la chaise vide. Il en a horreurâ: «âOn ne vote pas. On laisse des ripoux monter aux Ă©lections, et aprĂšs on se pointe chez eux pour leur demander des papiers administratifs. Câest contre-productif.â»
Câest pourquoi CompĂ©tences pour le Maroc ou encore le futur parti sâassignent un objectif prioritaireâ: la participation politique.
Imad estime en effet que 63% des Marocains ont boudĂ© les urnes en 2007âââsans compter les millions de non-inscrits non rĂ©pertoriĂ©sâââparce quâils ne se retrouvent dans aucune des structures politiques dĂ©jĂ existantes. «âIls sont lĂ , ils savent tout mais attendent de nouvelles idĂ©es, du sang neuf surtout pour passer Ă lâactionâ», nous dit-il lâair confiant.
Quid de lâidĂ©ologieâ? Faux dĂ©bat. «âCâest quelque chose de compliquĂ©. La femme de mĂ©nage ou le petit ouvrier analphabĂšte nây comprennent rien du tout. Pour les inciter Ă voter et Ă sâimpliquer, il leur faut un programme cohĂ©rent, dans un langage limpide et accessibleâ», explique-t-il.
Naturellement, il faut du temps pour ficeler un programme politique, et entre-temps Imad Khater nous donne quelques pistes Ă suivre. «âSi je ne me suis retrouvĂ© dans aucun parti, câest parce quâils nâont pas de dĂ©mocratie interneâ», dit-il.
Pour lui, câest une condition sine qua non sans laquelle aucune formation politique ne peut se considĂ©rer comme telle. Pour Ă©tayer ses propos, il cite lâexemple du PDM dont les futurs statuts stipulent clairement que le secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral ne peut excĂ©der quâun seul mandat dans ses fonctions. «âLes intentions peuvent ĂȘtre bonnes, mais la chaise est possessiveâ!â» Difficile de penser le contraire.
Quand on lâinterroge sur la monarchie parlementaire, la laĂŻcitĂ©, le rĂ©fĂ©rendum du 1er juillet, le PAM et les autres sujets chauds, Imad ne se lĂąche pas. Il ne vous balancera pas ces phrases qui commencent par «âAcha3b Youridâ» (le peuple veut).
Il a ses propres mots. Ni pour ni contre, il dĂ©cline sa propre vision des choses. Celle que partagent probablement dâautres jeunes Marocains quâon ne voit pas forcĂ©ment dans les manifs.
FlorilĂšgeâ: «âPeu importe la forme de la monarchie, pourvu quâil y ait de la dĂ©mocratieâ»â; «âLa laĂŻcitĂ©, je ne suis pas contre, mais ça risque de crĂ©er des conflitsâ»; «âJe ne sais pas si la nouvelle Constitution est suffisante ou pas. Lâimportant est quâelle est meilleure que lâautreâ»â; «âLe PAMâ? Si les gens votent pour lui dĂ©mocratiquement, je ne mây opposerai pasâ»âŠ
Dire quâentre les revendications du 20-FĂ©vrier et les contre-revendications du 9 mars, de pareilles idĂ©es passent quasiment inaperçues. MĂȘme sâil nâest pas trĂšs «âexcitantâ», ce point de vue «âcentristeâ» existe bel et bien, et il faudra faire avec⊠dĂ©mocratie obligeâ!
Ali Hassan Eddehbi |