Les dinosaures ont fait leur temps et la relève arrive. Chaque semaine, actuel présente les futurs leaders du pays...
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Ce jeune loup est un vieux briscard. A 34 ans, il a déjà 20 ans de militantisme au compteur et un CV interminable. Mehdi Mezouari, secrétaire général adjoint de la jeunesse ittihadia, élu communal à Mohammedia est aussi président de l’Institut national de la jeunesse et de la démocratie (INJD), membre fondateur ou ex-membre d’un nombre impressionnant d’associations, conférencier ou congressiste dans d’innombrables colloques, symposiums et festivals qui l’ont mené du Vietnam au Canada en passant par Damas, Istanbul, la Grèce ou le Vénézuela.
Accessoirement, il suit un master de recherche en gouvernance et travaille comme agent d’assurances chez Axa. Ouf !
Quand on lui demande s’il est gêné qu’on le traite d’apparatchik, il répond oui... et non. « A l’USFP, c’est très péjoratif car c’est bien à cause des apparatchiks que nous avons subi des reculs.
Mais d’un autre côté, je suis à l’aise avec ce terme. Oui, je suis un apparatchik car je défends le parti contre les opportunistes qui nous rejoignent ». Pour Mehdi Mezouari, « la politique au Maroc, c’est un engagement total ».
Pas un tremplin pour faire carrière. Et le jeune élu de Mohammedia de regretter les temps bénis qu’il n’a pas connus : l’époque de ces héros, Bouabib, Ben Barka, Abdelnasser... et de son père, instituteur socialiste, ancien détenu, député, élu municipal à Mohammedia de 76 à 97, « C’était un temps où on militait sans attendre de récompenses ».
L’idéalisme pragmatique de ce social démocrate n’est pas en phase avec le Maroc des années 2010 qui oscille entre matérialisme et islamisme. Les barbus, c’est d’ailleurs l’unes de ses obsessions depuis tout petit.
Avant que la gauche ne déserte les écoles, il présidait des ciné-clubs ou des associations culturelles au lycée pour recruter des sympathisants. L’ado militant se frottait déjà aux islamistes.
A la fac de droit, il fallait parfois en venir aux mains avec les barbus, mais ce n’était pas le sport favori de Mezouari. Lui préfère débattre, négocier, convaincre. Avec humour s’il faut. L’un des anciens profs s’en souvient comme d’un « élève intelligent mais aussi farceur. Il adorait blaguer ». Aujourd’hui encore, il aime manier les petites phrases humoristiques : « L’alliance PAM, RNI, UC, MP : c’est Pam fois 4 ! »
Ah, le PAM... l’autre obsession de Mezouari. Après son baptême du feu électoral aux municipales de 2009, il avait tenté avec l’USFP une alliance avec les hommes du Tracteur.
Mais le pacte fut vite rompu et il dénonce aujourd’hui un président de la commune « promoteur et incompétent : c’est le parti de l’immobilier qui gouverne les villes ». Très en pointe dans le combat contre la corruption (il fut membre du conseil national de Transparency Maroc), il réclame qu’on juge les élus ripoux. Et a peur qu’on rate le coche en 2011. « Si rien ne change, il n’y a pas que le 20-Février qui sortira, la gauche sera dans la rue ».
En attendant, Mehdi Mezouari ne défile pas chaque dimanche. S’il reconnaît que le 20-Février fut « un accélérateur de réformes », il craint que « le mouvement tombe dans la sous-traitance d’agendas extrémistes ».
Il est aussi très mal à l’aise avec des jeunes qui appellent au boycott des élections. Lui veut au contraire que le prochain scrutin soit l’occasion de rajeunir le Parlement. C’est son combat actuel.
Membre du « Mouvement de la jeunesse marocaine pour une représentativité politique maintenant », il s’active avec les trentenaires d’autres partis pour arracher une liste nationale des jeunes. Mais si le ministère de l’Intérieur l’a proposée, les caciques des partis renâclent.
« L’USFP y était officiellement favorable mais pas ceux qui ont mené les négociations. Ils oublient qu’ils avaient des responsabilités nationales à notre âge ! ». Il est vrai qu’un certain Abdelouahed Radi fut élu député à 28 ans.
Et Abderrahim Bouabid n’avait que 22 ans quand il signa le manifeste de l’indépendance en 1944 ! 14 ans plus tard, à 36 ans, il était nommé ministre des Finances... Autres temps, autres mœurs.
Si la liste nationale n’existe pas et s’il n’obtient pas l’investiture du parti pour la circonscription, Mehdi Mezouari pourra toujours méditer ses lectures préférées : Défaite interdite de Pierre Moscovici ou L’impasse de Lionel Jospin : « J’ai eu l’impression en les lisant que nous étions dans le même parti : on fait les mêmes gaffes, nous subissons les mêmes carrières personnelles et les guerres de positionnement.
Mais Jospin, lui, a eu l’élégance de démissionner après une défaite. » Youssoufi aussi a eu cette élégance. Mais depuis, le parti de la rose se fane sans laisser éclore ses boutons....
Eric Le Braz |