Les dinosaures ont fait leur temps et la relève arrive. Chaque semaine, actuel présente les futurs leaders du pays...
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Najib Chaouki, 32 ans, est sur tous les fronts : à la télévision pour défendre la liberté de conscience comme dans la rue pour marcher aux côtés du 20-Février, on le voit aussi prendre part aux débats lors des tables rondes.
Son look volontairement négligé, avec un collier de barbe et des cheveux bouclés qui lui arrivent au ras du cou, peut déranger a priori. Najib déstabilise aussi parce qu’il n’a pas la langue dans sa poche et donne l’impression de n’avoir peur de rien.
Quand la police tabasse les militants venus dénoncer le présumé « centre de torture » de Témara, Najib ne fuit pas et regarde avec dédain « la machine à répression ». Quand une chaîne satellitaire proche des Frères musulmans cherche à le piéger en l’interrogeant sur sa foi, il recentre tout de suite le débat sur la liberté de conscience, profitant d’une tribune inespérée.
C’est que Najib Chaouki est rompu à l’exercice du débat d’idées. Après avoir accompli sa scolarité à Ataouia, il intègre en 1997 l’Université de Marrakech. Il rejoint alors les rangs de la gauche radicale représentée par l’Union nationale des étudiants marocains (UNEM). « A l’époque, nous étions en pleine confrontation avec les islamistes qui voulaient désavouer le plan de Saïd Saâdi sur l’intégration de la femme. »
Son activisme lui fait rater la fac, et au bout de deux ans, il décide de plier bagage et de finir ses études en Allemagne. De 2002 à 2007, il s’inscrit en cours d’économie politique. Najib embrasse la lutte pour la cause palestinienne et milite contre la guerre en Irak et en Afghanistan au sein d’une ONG œuvrant pour la paix.
Sa maîtrise en poche, il est contraint de rentrer au pays faute de trouver un emploi mais aussi parce qu’il veut militer pour les droits et les libertés au Maroc. L’expérience en Allemagne le transforme : de révolutionnaire gauchiste, Najib devient libéral démocrate.
Allergique au pouvoir
« J’ai vu dans ce pays comment la liberté d’entreprendre dans le cadre d’une économie libéralisée pouvait coexister avec la garantie des droits sociaux, ainsi qu’un enseignement et une santé publique de qualité. »
De retour au bercail, il prend fait et cause pour Yassine Belaasel, du nom de ce jeune lycéen accusé d’atteinte aux sacralités. C’est à ce moment-là qu’il rejoint la presse, d’abord au sein du quotidien Al Jarida Al Oula, puis aujourd’hui parmi l’équipe du portail arabophone lakome.com. Il se fera surtout remarquer au sein du collectif MALI (Mouvement alternatif pour les libertés individuelles) où il appelle à l’abrogation de l’article 222 qui interdit de rompre le jeûne en public. Il quitte rapidement le mouvement parce qu’il n’est pas d’accord avec les initiatives du pique-nique et la pétition envoyée à Hillary Clinton, préférant d’abord provoquer le débat sur la place publique. Son activisme lui vaut nombre d’inimitiés et pas uniquement des « voix makhzeniennes ».
Au sein même du milieu militant, certains le perçoivent comme un opportuniste maniant la rhétorique, pour s’attirer les honneurs. Surtout après ses passages répétés dans les médias. Des accusations qui l’amusent : « C’est normal parce que la société marocaine n’est pas habituée au débat. Quand quelqu’un émerge du lot, il est tout de suite perçu comme louche. »
Aujourd’hui, le combat de Najib Chaouki est la réforme politique et constitutionnelle lancée par le 20-Février. « Une Constitution démocratique est le préalable à l’instauration de tous les droits », pense-t-il.
Et même si le Maroc rejoignait le cercle des pays démocratiques, l’activisme de Najib ne serait pas près de s’arrêter : « Je militerais alors pour le droit d’accès à l’Internet, pour la démocratie participative, pour les droits environnementaux… » Le pouvoir ? « Jamais. Je suis allergique à ça et je ne me vois pas en leader. Peut-être au sein d’une ONG, mais jamais au sein de l’Etat. » Intarissable Najib !
Zakaria Choukrallah |