Les dinosaures ont fait leur temps et la relève arrive. Chaque semaine, actuel présente les futurs leaders du pays...
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Son calme et son sens de l’écoute n’ont d’égal que la précision de ses propos. Son humilité et ce naturel des « fils du peuple » cachent mal sa nature de premier de la classe. Après son baccalauréat, il décroche non pas une licence mais trois : en physique, en droit et en études islamiques.
Aujourd’hui, Mustapha El Khalfi est le directeur d’Attajdid, le journal du MUR, et l’une des éminences grises du PJD. Un parti dans lequel il préside notamment la commission du programme politique et les commissions thématiques pour les législatives de 2012. Né en 1973, El Khalfi n’en est pas à son coup d’essai puisque c’est lui qui était la cheville ouvrière des deux dernières élections (communales 2009 et législatives 2007).
C’était juste après son retour des Etats-Unis où il a bénéficié, en 2005, d’une bourse d’études Fullbright à John Hopkins ainsi que du programme CongressionnalFellow de l’Association américaine des sciences politiques. Depuis, celui qui a intégré le PJD en 1993 a fait du chemin jusqu’à devenir l’expert politique de son parti.
Comment voit-il le Maroc aujourd’hui ? « Le monde arabe compte deux type d’Etats. Vous avez ceux dont la crédibilité est aujourd’hui morte et enterrée. Et vous avez ceux où le pouvoir est suffisamment crédible pour que le changement et les réformes viennent d’en haut. Et le Maroc en fait partie », nous dit-il.
Ces changements présentent l’avantage d’être à bas coûts et d’une grande rentabilité. « Mais le Maroc passe depuis quelques jours par de grandes zones de turbulences qui menacent son statut », nuance-t-il. Citant une analyse parue dans le Los Angeles Times du lundi 23 mai, il pointe du doigt l’excès de violence dont les autorités ont fait preuve ces derniers jours contre les manifestants.
« D’où l’importance capitale aujourd’hui des forces de régulation politique entre l’Etat et la société, à savoir l’institution monarchique et les partis politiques. Et le tout est de savoir si l’Etat a pour priorité de réussir les réformes ou de s’attaquer à Al AdlWalIhsane », remarque El Khalfi.
Selon lui, le PJD fait son job. Il en veut pour preuve les manifestations organisées par le parti samedi dernier dans des villes comme Taza, Nador, Mechra Bel Ksiri. « Nous nous activons d’abord sur le registre de la confiance dans le processus de réformes, et ce, en encadrant la population du mieux que nous pouvons.
Tout comme nous n’hésitons pas à critiquer les erreurs sécuritaires, au même titre que les dérapages de la rue. » La démocratie au Maroc, au sens universel, El Khalfi y croit.
Il ne jure dans ce sens que par le modèle de démocratie américaine. Un système auquel il voue un véritable culte. Notamment sur le registre de la séparation des pouvoirs. « Avec leur mécanisme de checks and balances, les Américains ont réussi à faire contrôler chaque pouvoir par un autre, et vice-versa.
Avec leur principe de power-sharing, ils ont installé des mécanismes de consultation permanents entre tous les appareils. Résultat, alors que nos parlementaires attendaient le projet final de l’accord de libre-échange avec les Etats-Unis, les leurs étaient au fait des détails du projet avant et pendant son élaboration », dit celui qui a résidé au congrès américain pendant près de deux ans, avec pour thématique de travail le regard que portent les législateurs américains sur le mouvement islamiste... et le Sahara.
Autres atouts, tous les modèles de démocratie (représentative, participative, directe…) sont présentés dans le système américain. Sans oublier l’investissement placé dans la société civile dans un pays qui compte 1 300 000 associations.
Last but not least, la véritable foi placée dans la recherche scientifique, y compris en politique. « Au Congrès américain, vous avez dix chercheurs pour un député. Et le tiers du budget du Congrès va à la recherche scientifique. » Et c’est d’ailleurs pour ne rien sacrifier à ses recherches qu’El Khalfi n’a pas l’intention de se présenter aux prochaines élections. Une partie remise ?
Tarik Qattab |