Un humoriste est né. Il imite l’accent fassi et taquine les orchestres marocains comme personne. La société marocaine l’inspire et il sait pointer du doigt ses maux.
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Mais non, ne parlons pas de ma vie. Je veux qu’on dé-cor-ti-que l’actualité. » On est toujours sûr de bien rigoler à la rencontre de comédiens, mais certains sont plus drôles que d’autres, et décidément, l’humour s’exerce à plein temps chez Miz. Celui-ci ponctue chacune de ses déclarations d’une petite vanne subtile et tordante. Il a la mine sérieuse d’un jeune homme qui approche la trentaine mais qui ne saurait camoufler son côté malicieux de grand déconneur. Normal, Miz est un humoriste dans l’âme avant d’en avoir fait un métier. Cela fait 29 ans déjà que Hamza Tahiri Hassani, de son vrai nom, fait rire son monde ; le Maroc pour sa part devra attendre 2008. Tout commence à 13 ans, lorsqu’affalé devant la télé, il découvre le sketch qui changera sa vie, celui qui a fait d’Elie Kakou l’un des plus grands comédiens de France. « Le personnage de Madame Sarfati me rappelait ma grand-mère, du coup, je n’hésitais pas à l’imiter devant toute la famille en portant ses habits et en reprenant son accent fassi. Je les éclatais. C’était le déclic, j’étais fait pour ça », se remémore Hamza, une lueur dans les yeux. Ensuite, ce sont « Les Inconnus » avec Didier Bourdon, ou encore Dieudonné qui lui donneront envie de devenir comédien. Côté Maroc, c’est Hassan El Fad, Mohamed El Jem qui l’inspireront. Mais Gad, qui a réussi à mettre la France à ses pieds, reste tout de même son préféré. « J’étais parti le voir pour son tout premier spectacle, au cinéma Rialto à Casa et pour la première fois, je suis arrivé à rire du début jusqu’à la fin. Et ça, c’est quelque chose. » A cette époque, Miz était très loin de se douter que trois ans plus tard, c’est lui que Gad choisirait pour faire sa première partie lorsqu’il jouera « Casaoui » au bercail l’année dernière. Mais avant ça, ce n’était pas gagné pour Hamza qui a dû mettre ses projets entre parenthèses car une profession stable en entreprise trouvait plus de grâce aux yeux de ses parents protecteurs qu’une carrière d’artiste, plus frivole. Obstiné et passionné, il a tout de même le mérite de provoquer seul son destin lorsqu’attablé dans le même café en 2007, il n’hésite pas à aborder l’un de ses humoristes favoris. « J’ai aperçu Hassan El Fad, je suis parti le voir et je lui ai dit, direct, que j’avais vraiment envie de me lancer. Il m’a prévenu que c’était très dur de réussir au pays, surtout pour un débutant. Mais ça ne m’a pas découragé. Il a donc promis de me donner un coup de pouce. » El Fad tiendra parole, et le présentera à Redouane Bouzid qui n’est autre que le producteur de Gad au Maroc. Convaincu, celui-ci l’aide à monter son premier spectacle, mais la mise en garde d’El Fad ne tarde pas à rattraper Miz au tournant. « Le Marocain ne paiera jamais pour aller voir quelqu’un qu’il ne connaît pas, ça allait être très dur de me faire un nom du premier coup. J’ai donc fait du porte-à -porte, préparé 640 invitations que j’ai distribuées un peu partout aux journalistes, producteurs et boîtes de prod, et ça a marché. » Le succès dépasse même ces attentes, ils sont 750 à assister à son premier show. Une consécration. Depuis, tout est allé très vite pour l’humoriste qui a trouvé sa voie dans le stand up. « Miz en scène », son second spectacle, a rassemblé cette année 8 000 spectateurs en 7 dates.
Son secret, un humour 100% de chez nous. « Le Marocain est né vanneur, sans le vouloir. Il suffit que je sorte balader mon chien pour assister à des scènes désopilantes. Du coup, je rentre chez moi inspiré. » Les sujets qu’il aborde sont tous liés à la société marocaine. Le comédien a aussi le cran de s’attaquer à des sujets plus audacieux, et pointe même du doigt des tabous souvent négligés par les artistes marocains, comme la prostitution ou encore l’homosexualité.
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Artiste livré à lui-même
Malgré un bon feedback de la part d’un public nombreux, Hamza, en pleine écriture de son prochain spectacle, avoue ne pas être satisfait de sa situation actuelle. Il reproche aux officiels de ne rien faire pour encourager les jeunes talents. « J’ai besoin de roder mes sketches, de les tester. C’est chose impossible lorsque tu es contraint de jouer sept fois par an. Si je n’avais pas de sponsors, j’aurais jamais pu me produire au Mégarama où il faut compter 90 000 dirhams par soir rien que pour l’éclairage », dit-il. Et de rajouter : « Il est où le ministère de la Culture ? Celui de la Jeunesse et des Sports ? Mon spectacle en France peut durer 300 dates, ici j’en fais maximum douze. Je préférerais me produire chaque soir dans une petite salle de 50 places plutôt que sept fois au Mégarama. » Et la France, il compte bien la conquérir le temps d’une petite tournée. Il commencera par le Palace à Paris en mars prochain, le théâtre qui a vu défiler Brel, Gainsbourg et Jagger, et où Florence Foresti et Pierre Palmade ont fait leurs débuts. Ensuite, le Canada. Avec le talent qu’on lui connaît, et sa persévérance en prime, il se peut bien qu’il y arrive. Comme un Gad avant lui, le Maroc le regrettera sûrement, et n’aura plus qu’à se morfondre de ne pas avoir « mizé sur Miz » !
Ranya Sossey Alaoui |