Il y a ceux qui, au lieu de se focaliser sur leur propre sort, veulent contribuer à l’amélioration de celui d’autrui. C’est le cas de Ali Janah, 21 ans, président de Maroc Avenir.
C’est un mercredi comme les autres au sein du collège Al Manar à Casablanca. A midi, en se ruant vers la sortie comme à leur habitude, les élèves s’arrêtent devant un jeune homme de taille moyenne qui fait son entrée dans l’établissement, et commencent à l’acclamer, le saluant chacun à son tour. Ce jeune, c’est Ali Janah. Et si ces élèves lui réservent un accueil si chaleureux, c’est qu’ils savent qu’ils lui sont redevables.
C’est en mars 2011 qu’il fonde l’Association Maroc Avenir. Constituée d’une trentaine de jeunes étudiants bénévoles, Maroc Avenir s’est fixé pour but d’accompagner, de valoriser et d’orienter de jeunes élèves en difficulté scolaire, issus de milieux défavorisés. Le concept est simple : chaque membre parraine un élève ou plusieurs, afin de l’aider à combler ses lacunes en lui prodiguant gratuitement les cours de soutien dont il a besoin dans une matière, ou plusieurs. Encore embryonnaire, voire inconnue il y a quelques mois, l’association commence petit à petit à se faire un nom, notamment sur facebook où sa page regroupe plus de 1 500 adhérents, et à travers ces différents événements trimestriels.
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Du rêve à l’action
A 21 ans, Ali est en voie d’obtenir sa licence en droit français à l’Université Hassan II de Mohammédia. Il n’avait que 19 ans lorsqu’il est devenu président de Maroc Avenir. C’est dans sa chambre, seul en train de cogiter, que lui est venue l’idée de créer l’association. Avec un père ancien haut fonctionnaire du ministère de l’Education, et une mère professeur, Ali a de tout temps été bercé dans le monde de l’enseignement, sujet qui animera les discussions à chaque repas. Mais à côté de l’initiation précoce aux dérives et failles du système national d’enseignement, c’est un autre événement qui déclenchera très tôt chez Ali l’envie de faire bouger les choses : il s’agit des attentats du 16 mai 2003 à Casablanca qui ont provoqué un véritable déclic chez l’adolescent. « J’ai vraiment été traumatisé par ces attentats. Sur le moment, je n’arrivais pas vraiment à comprendre ou à lire entre les lignes. C’est plus tard que j’ai réalisé que c’étaient les conditions déplorables dans lesquelles vivaient ces kamikazes qui exposaient à un lavage de cerveau. S’ils avaient réussi leurs études, trouvé un travail décent, ils ne se seraient jamais fait manipuler », s’offusque Ali. Il fallait donc passer à l’action, c’est ainsi qu’il fait part du projet à quelques-uns de ses amis. Certains ont été conquis, d’autres ont tenté de le décourager. « C’est après la consécration que les félicitations ont fusé. Avant, on me disait que j’étais trop jeune, trop inexpérimenté, que je n’avais pas de moyens… Donner de son temps ne requiert pas des millions que je sache ? Parfois, il faut savoir être têtu et croire en soi. J’ai bien fait de ne pas les écouter », se félicite-t-il.
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Parrainer, orienter, encadrer
Après de longues et pénibles procédures administratives, Maroc Avenir voit le jour. « Au début, on n’était que cinq. On se regardait, ne sachant même pas par où commencer », se remémore le jeune président, un sourire aux lèvres. Ils commenceront par le collège Al Manar, à El Hank, dont la plupart des élèves vivent dans des bidonvilles et des logements économiques. « La condition de ces élèves correspondait parfaitement au profil qu’on cherchait à assister. Là -bas, on trouvait des collégiens en troisième, âgés entre 19 et 20 ans, et vivant dans des pièces de dix mètres carrés. Une fois, j’ai même surpris une des élèves en train de faire la manche à 22h. Comment peut-on espérer réussir un jour si on est dehors la nuit, au lieu d’être au lit après avoir fait ses devoirs ? J’étais dévasté. » Ali se rendra compte que reprendre les maths, le français et ce qui s’enseigne dans les livres n’allait pas être suffisant pour aider ces jeunes à réussir, il fallait leur inculquer des valeurs. Dans la classe que le collège a mise à la disposition des jeunes, un centre d’écoute sera donc installé pour les élèves qui seront entendus un à un sur leur situation, leurs rêves, etc. « Ce qui m’a le plus marqué, c’est que pour la majorité, ils sont condamnés, ils n’ont aucune ambition, n’attendent rien de la vie et ne croient en aucun cas qu’en travaillant dur, tout peut changer. Comment peut-on être aussi pessimiste à 15 ans ? », explique Ali. Avec la création de Maroc Avenir, son fondateur aspire surtout à dénoncer l’inefficacité de l’enseignement actuel sans cacher son envie de faire de la politique pour pouvoir un jour, pourquoi pas, approcher le problème de plus près. On ne peut que lui souhaiter bonne chance.
Ranya Sossey Alaoui |