Ce jeune homme nous a sorti une petite trouvaille : un gouvernement des jeunes, censé suivre et commenter le travail de l’équipe de Abdelilah Benkirane. Découverte.
Un gouvernement d’enfants. » Voici l’expression qui ne manque pas d’énerver Ismaïl Hamraoui. Ce jeune homme de 27 ans a fait le buzz après avoir été désigné « chef du gouvernement des jeunes ». Un Shadow Cabinet qui se veut « un réservoir à idées et à propositions », pour l’exécutif et les parlementaires. « Le premier rapport du jeune cabinet est à paraître fin juin », promet-on de… source alter gouvernementale. « Nous n’allons pas prendre des positions politiques, mais chaque ministre chapeautera une commission de travail pour élaborer un rapport sur son département, qui comportera des analyses et des recommandations », prévient d’emblée notre chef de gouvernement, qui ne veut pas faire que de la surenchère.
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« Des fils du peuple »
L’idée de cette structure revient à Ismaïl. « Après un voyage au Liban, en 2007, dans le cadre d’un événement organisé par le FNUAP, j’ai rencontré des amis libanais qui m’ont parlé de l’expérience du gouvernement des jeunes, et j’ai été immédiatement emballé », raconte-t-il, ajoutant qu’il a fallu attendre jusqu’en décembre 2011 pour lancer effectivement l’initiative. « Le contexte ne s’y prêtait pas en 2007. La nouvelle Constitution offrait un cadre idoine pour cette initiative », explique le jeune homme, qui semble décidé à s’engager en politique. Son propos est très mesuré et il se dérobe à plusieurs questions quand il voit venir le politiquement incorrect. Son péché mignon, c’est qu’il a parfois tendance à se prendre pour un véritable chef de l’exécutif. « Nous ne sommes pas des gosses de riches. Nous sommes des fils du peuple, et beaucoup d’entre nous prennent le transport en commun », dit-il. Du Benkirane ? « Non, lui c’est lui et moi c’est moi », insiste-t-il.
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Bon début de mandat
Pour l’heure, ce gouvernement semble avoir bien entamé son mandat. L’équipe s’est déjà assuré le soutien d’un ministre PJD. Lahbib Choubani, à la tête du département des relations avec le Parlement et la Société civile, a non seulement assisté à la conférence de presse pour l’annonce de l’initiative, mais a promis également aux jeunes ministres d’avoir libre accès aux commissions parlementaires. Un accès en tant qu’« observateurs », en attendant la loi organique autorisant la société civile à faire des propositions de loi. Mais en contrepartie de ces prouesses en début de parcours, Ismaïl et ses ministres (dont 35% de femmes pour narguer Benkirane) avait essuyé de vives critiques. Les plus acerbes traitent son « gouvernement d’enfants » ou de « gouvernement makhzénien ».
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Or, Ismaïl paraît loin du style makhzénien. S’il n’est pas sorti avec le 20-Février, il insiste « sur le droit de manifester » et précise que lui n’est pas sorti avec eux « parce qu’il fait le choix de manifester au sein des institutions… un choix qui remonte à longtemps ». Pour nous dérouler son CV d’activités associatives, Ismaïl a pris un peu plus de dix minutes ! Il a travaillé sur une dizaine de projets d’associations onusiennes ou locales, ou encore pour le compte de la ligue arabe, sur des questions touchant aussi bien les jeunes, les femmes ou les problèmes migratoires. En parallèle de l’action associative, le jeune homme entame une carrière politique au PPS où il est militant depuis 2004.
Actuellement, il est le secrétaire local de la jeunesse du parti à Mrir’t, son village natal. « J’ai rejoint le PPS par pure conviction. Mon frère est militant à l’USFP. Je ne suis pas un apparatchik », clame notre chef de gouvernement junior. Le jeune homme est plutôt un self-made-man. Issu d’une famille « très modeste », Ismaïl est le seul enfant d’une fratrie de huit à avoir fait des études supérieures. « Nos parents n’avaient pas suffisamment d’instruction pour nous parler de politique ou quelque chose du genre », confesse-t-il sans complexe. Son bac en poche, il s’installe à Rabat pour poursuivre ses études à l’Institut Moulay Rachid de la formation des cadres. Une formation qui lui a permis d’occuper le poste d’administrateur au ministère de la Jeunesse et des Sports, et de responsable d’une maison de jeunes à Tiznit, à 600 kilomètres de Rabat. Il vit la dure réalité des navettes, mais c’est tout à son honneur puisque « c’est une bonne chose que le chef du gouvernement des jeunes ne soit pas de Rabat ou de Casa ». Très bien même.
Ali Hassan Eddehbi |