Elle vit entre deux pays, entre deux partis, entre droite et gauche... mais en vraie centriste, la candidate bayrouiste aux législatives françaises est une équilibriste.
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Binationale, bien dans ses baskets, gaullo-villepiniste transférée lors du mercato pré-présidentiel chez les bayrouistes, la jeune Franco-Marocaine se présente sous les couleurs du « Centre pour la France » (le nom des centristes pendant les législatives) dans la nouvelle circonscription d’Afrique de l’Ouest.
Un baptême du feu pour une jeune femme de 29 ans qui n’a pourtant rien d’une néophyte. Cette diplômée de Sciences Po a déjà créé deux cabinets de conseil en communication internationale et fondé deux associations dont le club CSI « Compétences Synergie et Initiatives » qui regroupent des Franco-Marocains à haut potentiel. Certains comme Najat Belkacem, la nouvelle porte-parole du gouvernement socialiste en France, ont déjà fait une belle carrière. De cinq ans sa cadette, Sihame Arbib a encore à apprendre mais a vite assimilé les codes, et si son discours est parfois trop lisse, elle a déjà réponse à tout.
Adhérente de République Solidaire de Dominique de Villepin, elle a rejoint le Modem pour la présidentielle avec la bénédiction de son mentor et un positionnement assumé : « Je n’ai jamais voulu être cataloguée à gauche. Mais ces dernières années ont été très difficiles pour nous. On a même remis en question notre double nationalité et ça a été très mal vécu. La seule réponse a été de voter contre Sarkozy. » Ce dernier voulait étendre le nombre d’infractions qui autorisent la déchéance de nationalité pour les Français d’origine étrangère.
Elle a donc voté Hollande au deuxième tour de la présidentielle et n’a pas peur d’un combat électoral qui s’annonce incertain dans une circonscription où Bayrou n’a fait que 7%. Et tant pis si ces principaux concurrents, Khadija Doukali (UMP) ou Pouria Amirshahi (PS), font campagne depuis plusieurs mois. « Dans la tête des gens, les législatives ne commencent qu’après la présidentielle. Il n’empêche que j’ai beaucoup voyagé et travaillé pour présenter un programme le 21 mai prochain. » Son autre atout est d’être franco-marocaine dans une circonscription qui comporte 70% de binationaux. Et tout en se démarquant des positions soutenues par la droite dans un territoire qui vote à gauche, elle ne s’aligne pas sur le PS quand il compare les Français de l’étranger à des exilés fiscaux...
Sa spécificité, c’est aussi de passer, depuis plusieurs années, une semaine par mois au Maroc où elle renoue avec ses racines. De son pays d’origine, la fille d’un technicien en armement né à Berkane et d’une mère styliste meknasso-fassia, dit : « Le Maroc, c’est le pays de mon cœur. Un pays que j’apprends à connaître tous les jours. J’ai appris à parler darija. On se moquait de moi au début, maintenant je me débrouille. » Et la France alors ? « La France, c’est ma patrie, le pays qui m’a éduquée, qui m’a donné des valeurs qui sont en moi et que je défends. La France, c’est moi. »
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La politique dans le sang
Une vieille histoire commencée avec un grand-père qui fut officier de l’Armée française. Sihame a d’ailleurs suivi une formation à l’Ecole militaire de Paris après son diplôme de Sciences Po, mention « conflit et sécurité »... Mais elle n’a pas enfilé un uniforme pour autant. C’est la politique qu’elle a dans le sang. Là encore, c’est de famille. Après une enfance « épanouie », elle se souvient qu’on parlait politique en famille et les débats étaient parfois virulents. Pas étonnant, si ses deux petits frères ont aussi fait Sciences Po !
Elle a été invitée par le Département d’Etat américain, lors d’un voyage d’études de jeunes futurs leaders où elle représentait la France. Aux USA, elle a rencontré l’équipe de campagne de Barack Obama à qui elle voue une véritable admiration. « Il s’est battu pour accéder aux plus hautes fonctions. Des peaux de banane, il y en a toujours, mais Obama prouve qu’on peut construire une autre politique. » Elle est aussi fascinée par le parcours d’un Jacques Chirac qu’elle a eu l’occasion de rencontrer et dont elle lit les mémoires dédicacées. « Je voulais connaître le parcours de cet homme d’exception. C’est une bête politique mais il est resté fidèle à ses valeurs. Il s’est même exprimé sur son intention de voter Hollande. » Sauf qu’il est resté à Taroudant pendant le scrutin... Mais après tout, c’est aussi un peu un Marocain.
Eric Le Braz |