Cette Jdidia de 31 ans, casablancaise depuis ses 18 ans, touche à tout avec grâce et, surtout, culot.
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Tu sais, dans la famille on est fier de toi !
- Merde... je m’écarte de mon objectif » (15 avril) « Nous sommes majoritaires à constituer des minorités » (17 avril). « Ils sont quand même pas mal altruistes, ceux qui dédient leur vie à se mêler de celle des autres... » (23 avril) « Peut-on porter plainte contre Zuckerberg pour qu’il remplace « ami » par « contact » ? » (23 avril) « Je démissionnerais bien de cette vie, s’il y avait une retraite » (24 avril). Des petites merveilles, des traits d’humour et des aphorismes entre Geluck et Cioran suivant l’état d’esprit. C’est d’abord ça Fedwa Misk, la championne hors catégorie des statuts facebook.
Mais pas que ça. La crinière rousse de cette brindille virevoltante se remarque dans tous les moments forts de la vie casaouie. Du manifeste de la culture libre aux cafés littéraires, elle est là , elle écoute beaucoup et dit peu. Mais écrit vite. Militante ou dilettante ? Les deux mais pas pour les mêmes raisons. « Je milite mais je n’ai jamais été une militante. Je suis militante par nécessité. Ce n’est pas une vocation. Si personne ne dit ce qui doit être dit, il faut bien que quelqu’un le fasse ! » Mais si elle se revendique surtout dilettante, elle est d’abord touche-à -tout. Quitte à ne plus pouvoir jongler entre toutes ses vies chronophages.
La « Qandisha » en chef
Toujours au bord du burn out, elle a récemment arrêté quelques semaines Facebook pour souffler entre ses différentes vies. A commencer par la première. Fedwa Misk, surtout connue pour être Qandisha en chef du site féminin en ligne, est fière de son nom de sorcière : « Je ne lis pas la presse féminine car ça complexe au lieu de décomplexer. Je voulais faire un féminin sans mode, beauté et cuisine. » Résultat : quandisha.ma a démarré en trombe il y a quatre mois et demi avec plus de 6 000 visiteurs uniques dès le premier jour. « C’était effrayant. »
Ce qui l’est aussi, c’est la vie de dingue de sa fondatrice. Car non contente d’animer un site en vue et de militer pour la culture libre, Fedwa Misk est aussi secrétaire de rédaction, pigiste... et médecin. Elle n’a toujours pas fini sa thèse sur le traitement psychologique de la douleur mais assume toutes ses passions et n’a pas peur de mener de front une vie de journaliste, d’écrivain et de praticienne : « On peut tout faire. Rien n’est contradictoire. Je suis quelqu’un de sensible, donc à l’écoute des patients. Et ça a nourri mon envie d’écrire. Quand on est confronté à la souffrance humaine, on veut en parler et témoigner. »
Souvent incisive, mais toujours à l’écoute, la Quandisha en chef est aussi une féministe sans œillères. « Mon rêve, c’est de rétablir la solidarité féminine en brisant les différentes catégorisations de femmes. » Sur qandisha.ma, il y a eu récemment un clash dans la communauté entre modernistes et conservatrices après l’édito de Karim Boukhari sur le voile. Les non-voilées attaquaient les voilées. Fedwa Misk a mis le holà et explique : « On est toutes des femmes, il faut arrêter la catégorisation. Je peux comprendre que la passion l’emporte sur la raison. Mais quand on milite pour la liberté de culte, on ne doit pas descendre une voilée sous prétexte qu’elle ne pense pas comme nous. La moitié de ma famille est voilée. On n’a jamais eu de problèmes. C’est cette harmonie que je veux pour la femme au Maroc. C’est pas gagné, bien sûr... »
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Une mère pieuse et ouverte
Si sa mère est pieuse et conservatrice, elle a aussi toujours été ouverte : « J’ai beaucoup pris d’elle. Elle a toujours été indépendante et responsable. » Sa mère, c’est aussi celle qui « chopait » ses lettres d’amour quand elle était gamine. Car avant d’écrire des statuts et des articles, Fedwa maniait plutôt la rime que la prose. « Avant, j’étais une nana qui écrivait des poèmes d’amour. Mais Qandisha est castratrice. »
Dommage... la preuve :
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« Lâche et légère…
Je porte fièrement mon étiquette
« Deception » Made in Morocco
By LaDĂ©faite
(C’est « vachement » sexy en anglais
Tout en glamour et paillettes…)
Je suis cette jeunesse avorton
De bien fourbes galipettes »
Quand il s’agit de rimer, la sorcière en chef a des doigts de fée...
Eric Le Braz
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