Mohamed El Yacoubi a le visage poupin. Il a tout du fils de bonne famille : bien éduqué, souriant, courtois mais surtout ambitieux. Très ambitieux. A 22  ans, Mohamed dirige <alamjadid.com>, le premier réseau social marocain qui vient de recevoir l’appui de fonds d’investissements et de business angels émiratis qui veulent en faire le facebook du monde arabe. En un an – le site a été lancé officiellement en juin 2011 –, Mohamed El Yacoubi a convaincu 200 000 personnes à s’inscrire sur son site à raison d’une moyenne de mille inscriptions par jour. Ce n’est pas rien pour un site qui s’est fait connaître grâce à la publicité virale sur le Net.
Mais qu’est-ce qu’apporte son réseau social comparé aux mastodontes que sont facebook, viadeo ou twitter, pour ne citer qu’eux ? « C’est un réseau géolocalisé comme studivz en Allemagne ou twenti en Espagne. On n’est pas en concurrence avec facebook ; d’ailleurs, il y a un bouton pour synchroniser ses amis facebook avec alamjadid », explique Mohamed El Yacoubi.
L’idée de alamjadid est de créer une communauté basée sur les affinités géographiques, en l’occurrence le monde arabe. C’est comme un café de quartier ou d’étudiants : on y vient parce qu’on y trouve nos semblables. Le site propose aussi une fonction intéressante : le « profil spotlight ». L’utilisateur choisit de mettre sa photo sur la page d’accueil, ce qui donne un côté site de rencontre à alamjadid à l’heure ou facebook fonctionne par « suggestion d’amis ». « Il y a des gens qui ont un millier d’amis et qui passent leur journée sur alamjadid, il ne faut pas croire », s’enorgueillit le jeune homme qui emploie aujourd’hui cinq personnes. Mieux, chaque jour, une vingtaine de CV atterrissent dans les locaux de alamjadid qui attire désormais les investisseurs, les cadres et des annonceurs marocains majeurs comme les opérateurs téléphoniques.
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Modèle anglo-saxon
Mais au début de l’aventure, quand l’idée a germé dans la tête de Mohamed El Yacoubi en 2009, cet engouement n’existait pas. « J’avais 19 ans. Quand je suis allé demander de l’argent à la banque, on m’a répondu : “Retourne à l’école petit” », se rappelle-t-il. Plus tard, quand il arrive à rassembler 200 000 dirhams auprès d’un investisseur dans les IT, Jérôme Mouthon, et auprès de sa famille, il doit affronter des cadres trentenaires qui écourtent les entretiens d’embauche, quand ce ne sont pas les annonceurs qui lui raccrochent au nez. « Les cinq métiers les plus demandés dans le monde n’existaient pas il y a cinq ans. Il faut croire en soi. J’aime le challenge et je ne prends pas ce que je fais jusque-là pour un succès », confie-t-il. Cette combativité lui vient de son choix d’étude, qui est aussi un choix de vie. A l’heure où ses amis choisissent les grandes universités et écoles françaises après les classes prépa, lui choisit de partir à la Warwick Business School en Angleterre après son Bac S. « Le modèle éducationnel anglo-saxon forme à être autodidacte. Le modèle français forme de bien meilleurs salariés, mais pas des entrepreneurs », estime le jeune homme.
A 22 ans, Mohamed El Yacoubi enchaîne des journées de quatorze heures. « C’est fatiguant, mais c’est de la bonne fatigue. En rentrant chez toi, tu sens que tu as fait quelque chose. » Durant son temps libre, il lit Techcrunch, Mashable, des revues spécialisées dans la high-tech (sa passion) et la biographie de Bill Gates. Il est connecté à l’Internet 24h sur 24h grâce à son smartphone. « Cela fait deux ans et demi que je n’ai pas regardé la télévision. Mon seul moment d’évasion en dehors de ce monde, c’est le vélo. Je le pratique autant de fois que possible en semaine. » Et ce n’est pas sur Sunset Boulevard, à L.A., que les amateurs du Net croiseront Mohamed, mais bien à Casablanca où il développe Alamjadid.
Zakaria Choukrallah
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