J’ai passé une bonne partie de ma vie à étudier ! » Et c’est vrai que notre nouveau ministre du Tourisme est bardé de diplômes : PhD en Indiana, MBA à New York... et aussi un diplôme d’études supérieures de l’Université Mohammed V. Avec un tel pedigree, l’homme est devenu un expert international, spécialiste des organisations. Il a réalisé des missions dans 40 pays. Le tourisme n’est pas sa spécialité, « mais il apprend très vite », souligne un gros opérateur. Longtemps enseignant, auteur d’ouvrages académiques, Lahcen Haddad est un intello qui sait vendre la marque Maroc et qui n’oublie pas pour autant la politique. Quand Mustafa Ramid commet une bourde sur le tourisme des « péchés » à Marrakech, il s’empresse de marquer son territoire pour rappeler que son secteur est une priorité du gouvernement. Rencontre avec un ministre atypique, féministe de conviction et marxiste repenti...
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Ma gauche
J’ai adhéré à l’USFP à 15 ans. Puis en 1978, à la fac, j’ai intégré l’UNEM, j’ai alors viré un peu plus à gauche avec les basistes.
A l’Université de Dhar El Mahraz, près de 90% des étudiants étaient des basistes : c’était la mode ! En 1982, je suis devenu marxiste. J’ai lu Marx, Lénine, Rosa Luxemburg, Althusser, Fredric Jameson... J’ai fini par aller aux Etats-Unis où j’ai aussi fréquenté les milieux marxistes. Au moment de la chute du mur de Berlin, j’ai théorisé le futur du marxisme et travaillé pour des revues comme Reinventing marxism.
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Ma droite
J’ai eu un choc en revenant au Maroc en 1993, muni de mon doctorat. Tous les modèles et les concepts que j’avais développés en Europe et aux Etats-Unis ne convenaient pas à mon pays. J’ai commencé à m’intéresser aux études anthropologiques et féministes pour comprendre la société marocaine. Même si j’étais marxiste aux Etats-Unis, j’avais intégré la notion que l’entreprise était un moteur de développement. Au Maroc, je suis naturellement devenu libéral... et membre du Mouvement populaire à partir de 1998. Pourquoi ? Car ce parti est ancré dans la société marocaine avec toute sa complexité sociologique, tribale et familiale, et en même temps le MP est libéral.
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Le féminisme
Je m’y suis longuement intéressé car c’est un moyen de faire progresser la société. Une femme éduquée et qui a du pouvoir, c’est une femme qui va transmettre son savoir à ses enfants, et qui va avoir un impact positif sur sa famille et la société.
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Mes mentors
Pour tout ce qui est politique publique, mon mentor est Abdellatif Jouahri, le gouverneur de Bank Al-Maghrib. C’est un homme qui a une vision, un homme intègre, un homme qui a roulé sa bosse... je reviens toujours vers lui. C’est un ami depuis quatorze ans.
En politique, c’est Mohand Laenser, le secrétaire général du Mouvement populaire (MP). Moi je suis pragmatique, j’aime prendre des décisions et aller de l’avant. Lui est très sage et il m’a appris à m’assagir, à prendre du recul.
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La ville qui m’a le plus marqué
Au nord de l’Ethiopie, il y a une ville qui s’appelle Aksoum. Il y a là une spiritualité et un foisonnement de cultures qui m’ont vraiment ému.
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Ma ville de cœur
Nqob, c’est un village entre les vallées du Drâa et de Ziz, en plein désert.
C’est la capitale des grands guerriers Aït-Atta, on l’appelle le village des quarante kasbahs. Quand j’y vais, ça me procure une joie incroyable.
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Le livre de ma vie
King Lear de Shakespeare. Je l’ai lu une vingtaine de fois et je l’ai même appris par cœur !
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Propos recueillis par Slimane Ammor |