| C’est un enfant du rock et du raĂŻ, un dandy destroy Ă  l’élĂ©gance kitsch. Rachid Taha est un drĂ´le de loukoum punk.  Un AlgĂ©rien Ă©levĂ© dans la France profonde, et qui chante en arabe de Moscou Ă  New York. Il a le gĂ©nie de la reprise et ses versions de Douce France, Rock the Casbah ou Ya Rayah transcendent les versions originales, orientalisent le rock, Ă©lectrisent le chaâbi ou la romance Ă  la française.  De festivals gnaoua en concerts de la TolĂ©rance, il passe souvent sous nos latitudes. Il a d’ailleurs introduit Jamel Debbouze himself, en lui demandant, en 1997, de faire la première partie de son concert pour la soirĂ©e de rĂ©ouverture du CinĂ©ma Lynx Ă  Casablanca.  On l’a croisĂ© Ă  Marrakech, Ă  l’heure de son petit dĂ©jeuner, c’est-Ă -dire celui du goĂ»ter pour le reste du monde. Voix rauque et costume impec, lunettes noires et barbe « gainsbarienne »... Bonjour Monsieur Taha.   Mes influences J’ai grandi avec le cinĂ©ma indien. La musique pour moi, ce sont d’abord des images : Ennio Morricone et les westerns spaghettis, les films d’Elvis. Le premier chanteur que j’ai vu sur scène, lors du mariage d’un cousin, c’était Mohamed El Mamachi. Il incarnait le raĂŻ de la terre, un raĂŻ rugueux.  Il buvait du thĂ©. Enfin c’est ce que je croyais. J’ai bu une gorgĂ©e. C’était du whisky ! En grandissant, j’écoutais les Beatles, Led Zep’… Puis j’ai fait mes choix : les Clashs, Motörhead...   Le rock Le rock vient avec la rage.  Notre culture est davantage dans le sous-entendu, l’hypocrisie. Le oud est un instrument très doux. La guitare est Ă©lectrique, on peut la torturer. C’est d’ailleurs la diffĂ©rence entre les Occidentaux et nous : ils torturent leurs guitares et nous, on se torture !   Je l’écoute toujours Elvis. C’est THE king, c’est le plus grand. Tu peux le mettre en boucle et il fait le bal : il chante l’émotion, le rock, la guimauve, la soul, la country... Je ne connais pas un chanteur de rock qui n’aime pas Elvis. De John Lennon Ă  Robert Plant en passant par Joe Strummer des Clash ou les musiciens de Motörhead.   L’arabe ou le français ?  C’est la sonoritĂ© qui dĂ©cide. Comment un mot sonne par rapport Ă  un instrument. Ce n’est pas le thème. Mais je prĂ©fère chanter l’amour en arabe, ça me paraĂ®t moins mièvre. En français, il faut que les chansons soient vraiment bien mielleuses.  A la Mike Brant.   Nass el Ghiwane J’ai toujours dit que c’était le plus grand groupe de rock. C’est Police avant Police ! Ce sont les Stray Cats du Maghreb. Le style a un cĂ´tĂ© Pink Floyd aussi avec des dĂ©marrages très progressifs.  Et puis ce banjo si country...   Le Maroc et l’AlgĂ©rie Pour moi le Maghreb, c’est un pays. Maroc-AlgĂ©rie, c’est un match de championnat, c’est un derby comme Marseille-PSG. Quand tu vois cette frontière fermĂ©e qui brise des familles... On ne peut pas continuer comme ça, avec la cuisine d’un cĂ´tĂ© et la chambre de l’autre. On est de la mĂŞme maison. Ils le savent tous : mĂŞme Bouteflika est d’Oujda, alors... Je ne trouve pas ça drĂ´le d’aller en AlgĂ©rie. Je reviens toujours avec une valise de douleurs. Ce n’est pas le pire des pays. Il y a des journaux, il y a la libertĂ©... mais il faut partager la richesse.   Propos recueillis par Eric Le Braz |