Le nouveau ministre marocain des Affaires étrangères et de la Coopération (1), Saâd-Eddine El Othmani, a une particularité qui le différencie certainement de tous ses homologues de la planète : il a lu et décortiqué au printemps dernier 32 constitutions du monde...
A ce moment-là , il ne se doutait pas qu’il serait à la tête d’un des plus prestigieux ministères du Royaume. S’il a accompli ce travail de bénédictin, c’était pour prouver que l’amazigh devait être reconnu langue officielle au Maroc !
L’anecdote, racontée par le chercheur amazigh Ahmed Assid, éclaire sur la personnalité de ce militant atypique chez les islamistes. Partisan de l’altérité amazighe, l’ancien SG du PJD était apprécié même par ses adversaires au Parlement pour ses capacités d’ouverture et de dialogue.
Ce psychiatre humble et subtil va aujourd’hui sillonner le monde pour défendre les intérêts de son pays alors que le Maroc est membre du Conseil de sécurité de l’ONU. On espère qu’il aura l’occasion d’enrichir sa collection de timbres entre deux avions !
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Mon père
Mon père était un professeur de charia mais possédait une large culture dans tous les domaines en science ou en littérature. Son ouverture d’esprit m’a inspiré et guidé toute ma vie.
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Un livre
Crise du monde moderne de René Guénon. J’étais adolescent et il m’a été donné par un professeur de français et d’histoire-géographie, monsieur Lux. C’est un ouvrage qui critique la civilisation matérielle occidentale.
Guénon parlait de l’importance chez l’homme d’avoir une vie équilibrée entre la pensée et la méditation, d’accéder à une paix interne afin de pouvoir confronter les difficultés de la vie d’une façon pacifique.
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Ma passion
Je suis philatéliste. Bien sûr je n’ai pas beaucoup de temps à y consacrer. Par les timbres, on peut retracer l’histoire. Par les timbres, on peut découvrir les peuples et aussi trouver ce qui les rassemble.
En 2004, quand j’ai été élu secrétaire général du PJD, Abdelkrim Khatib m’a fait cadeau d’un album de 1 100 timbres sur les hommes du protectorat espagnol. J’ai une thématique favorite dans ma collection, ce sont les personnalités. Dernièrement, j’ai acheté des timbres sur de Gaulle en France.
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Mes mentors
Le professeur Driss Moussaoui était mon encadrant pour ma thèse de doctorat. Il m’a apporté le savoir-faire, la persévérance dans le travail et l’honnêteté. Mais, je dois rendre hommage à d’autres maîtres qui ont contribué à ma formation.
Et d’abord au professeur Abderrahim Harouchi, décédé l’année dernière, auprès duquel j’ai passé mon premier stage pratique d’externat. Il était d’une telle rigueur, d’une telle clarté pédagogique que je suis encore aujourd’hui imprégné de son enseignement.
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Ma langue
Je rêve toujours en amazigh. Je le parle en famille avec ma maman et mes frères. J’ai beaucoup défendu au sein du PJD sa reconnaissance en tant que langue officielle. Une langue qui n’est pas utilisée meurt et l’officialisation va permettre son développement.
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Mon modèle en politique
Mohamed Mokhtar Soussi était plus qu’un homme politique. C’était un penseur, un historien, un théologien et un résistant. Il devint ministre des Habous à l’indépendance. Mohamed Mokhtar Soussi a beaucoup marqué notre région, le Souss.
Il a écrit 90 livres ! Seuls 20 d’entre eux ont été publiés, et l’un d’eux comprenait 20 tomes et racontait la vie et l’œuvre de 4 000 personnalités de notre région. Il m’a vraiment beaucoup impressionné.
Propos recueillis par Eric Le Braz
(1) Cet entretien a été réalisé avant la constitution du gouvernement. |