Très sollicité par les médias nationaux et étrangers, Mohamed Darif est l’islamologue en chef du Royaume. Islamiste puis « marxiste basiste », il s’est imbibé, tour à tour, de ces deux idéologies durant sa jeunesse.
Devenu chercheur, ses expériences lui ont servi à mieux décortiquer des phénomènes de société qu’il a lui-même vécus. Très terre-à -terre, cet enfant de l’ancienne médina de Casablanca nous parle de politique comme on parlerait de tout et de rien. Tout à fait aux antipodes de l’intello isolé dans sa tour d’ivoire et prenant le monde de haut. Et c’est tant mieux.
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Mes lectures
J’aime beaucoup lire la poésie classique arabe. Al Mutanabbi, Al Buhturi, Abou Tammam… par contre, je n’ai pas de goût pour ce qu’on appelle la poésie contemporaine, excepté Nizar Qabbani et Ahmed Matar. Actuellement, au vu de l’actualité, je multiplie aussi mes lectures sur le droit constitutionnel.
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Mon cinéma
Je ne suis pas un grand cinéphile. Mais ce que je peux dire à ce sujet, c’est que j’apprécie beaucoup les efforts déployés par les cinéastes marocains. Longtemps marginalisé et dépourvu de sang neuf, ce secteur est aujourd’hui en train de renaître. Nous avons besoin d’un 7e art qui reflète la vraie nature de la société. La censure est dépassée, voire contreproductive. Mais il faut quand même respecter un certain ordre établi. Après tout, un cinéaste n’est pas un prédicateur.
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Mes mentors
Adolescents, nous formions un groupe de jeunes très religieux encadrés par un « émir » (rires). Je donnais des cours de religion à la mosquée après la prière d’Al Asr. Petit à petit, nous nous sommes retrouvés dans la Chabiba islamia sans vraiment le vouloir. Plus tard, vers l’âge de 19 ans, c’est mon professeur d’histoire-géo, un militant USFP, qui m’a initié à la pensée marxiste.
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Mes idées politiques
Inutile de demander si je suis plutôt à gauche ou à droite. Ces classifications n’ont aucun sens dans un pays comme le nôtre. Je fais remarquer que la gauche marocaine n’a jamais voulu reconnaître la droite qu’elle qualifie de makhzénienne. Et c’est plutôt vrai. Comment voulez-vous donc qu’il y ait une gauche sans droite, sans centre ? D’ailleurs les valeurs de gauche, on les retrouve chez les gens de droite, et vice-versa.
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Ma vocation
Quand j’ai obtenu mon doctorat, j’avais le choix entre trois carrières : enseignant universitaire, avocat ou journaliste. J’ai opté pour la première, mais je suis passionné de journalisme. J’ai été rédacteur en chef de plusieurs revues et, jusqu’à présent, je considère parfois que c’est ma profession. Aujourd’hui encore, je continue d’écrire au moins une fois par semaine, dans des quotidiens.
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Ce qui m’attriste
Au Maroc, et c’est malheureux, on a cette capacité magique de tuer les compétences dans l’œuf. On n’encourage vraiment que les médiocres. Cela s’explique par le fait qu’il existe des personnes et des familles influentes qui consacrent cette culture de clientélisme et de népotisme pour servir leurs propres intérêts.
Propos recueillis par
Ali Hassan Eddehbi |