On peut tout reprocher à Driss Lachgar sauf son incroyable talent de communication. Disponible et souriant, il n’a rien de l’image de ces nombreux caciques, autistes et hautains. Se prêtant volontiers au jeu des questions-réponses, il manie avec brio la langue de bois – si chère à nos politiques – sauf que la sienne est toujours emballée dans un package d’humour et de logique.
***
Ce qui ne l’a pas toujours aidé à tirer son épingle du jeu. Il y a près de deux ans, sa nomination au poste de ministre chargé des relations avec le Parlement avait suscité un tollé dans l’opinion publique. Lui qui était, quelques jours auparavant, opposé à toute participation de l’USFP au gouvernement, finit par accepter un poste au sein de ce même gouvernement !
Une volte-face opportuniste ? Malhonnête ? Sournoise ? Sa réponse est toute prête : « En politique il n’y a ni ami permanent ni ennemi permanent. L’ennemi d’hier peut bien être l’ami d’aujourd’hui. » Un peu opportuniste quand même !
Mes principes
Durant toute ma carrière politique, je n’ai pensé qu’à une chose : être et demeurer moi-même. Rester Driss Lachgar qui était militant à l’université puis à la jeunesse de l’USFP, l’avocat, le parlementaire, le ministre… J’estime que c’est primordial car beaucoup de ceux que j’avais côtoyés ont complètement viré à droite. Moi, je ne serai jamais quelqu’un d’autre. Ma devise est de combattre l’injustice et le despotisme. Nous avons franchi un grand pas. Le Maroc d’hier n’est pas celui d’aujourd’hui.
La gauche d’hier et d’aujourd’hui…
La gauche d’hier était dans une posture confortable. Elle était une victime aux yeux de la société. Aujourd’hui, par contre, la gauche est appelée à apporter son lot dans l’édification du Maroc. Je pense qu’il est impossible de parler de la gauche sans tenir compte de ce fait historique.
Il fut un temps où tous ceux qui s’opposaient au régime faisaient partie de la gauche. Ce n’est plus le cas et ce que je reproche aujourd’hui à la gauche, c’est toute sa mosaïque inutile et injustifiée. Il nous faut des initiatives unificatrices pour faire face aux défis fondamentaux qui se présentent à nous.
Mon idole
Je crois qu’à mon âge, il est mal placé de poser cette question. C’est plutôt à un jeune qu’il faut aller demander. Avec toute l’expérience de vie que j’ai derrière moi, je n’ai plus besoin de chercher un modèle. J’en ai eu plusieurs durant ma vie et il m’est arrivé de me tromper sur certaines personnalités. J’ai tiré profit de ce cumul et de ces erreurs.
Mes meilleurs moments
Dans ma vie politique, le meilleur souvenir que je garde est mon élection en 1993 dans la circonscription de Mehdi Ben Barka. C’est celle de Rabat-Océan. Il s’y faisait toujours élire et depuis sa disparition, aucun ittihadi n’a pu être élu à la tête de cette circonscription. C’était une victoire très symbolique pour moi. Maintenant sur le plan personnel, c’est le jour de la naissance de ma fille aînée Khaoula, en 1980.
Mes lectures
Faute de temps, je ne peux lire que durant les vacances. La romancière algérienne Ahlam Mostghanemi est ma préférée. J’aime bien son audace. Quand elle dresse le portrait d’une famille algérienne, on y trouve un peu de tout : le résistant à l’occupation, le cadre haut placé dans l’Etat, le salafiste… une image vraie de la famille. Je crois que c’est cette sincérité qui nous fait défaut.
Propos recueillis par Ali Hassan Eddehbi |