Ce jour-là , les femmes sont en vedette, mais c’est lui la star. La rock star. Le 23 octobre, entre deux discours célébrant la création de l’organisation féminine du parti de la lampe, Abdelelilah Benkirane pose avec ses fans, signe des autographes, savoure sa popularité auprès des 5 000 militantes qui ont fait le déplacement à Rabat.
A un mois des législatives, l’homme qui se voit déjà à la primature, réussit à faire parler de lui chaque jour ou presque. Cette semaine, il a présenté son programme, rencontré Horani, parlé devant d’autres femmes, celles du Women’s Tribune à Anfa.
Omniprésent, l’hyper-candidat du PJD est plutôt évasif quand on lui demande quelles seraient les premières mesures qu’il prendrait s’il était chef du gouvernement : « Il faudra rentrer en contact avec les gens, discuter avec eux et répondre à leurs demandes dans la mesure du possible »... Une vraie leçon de démocratie participative qui ne mange pas de pain, et qui ne dit pas à quelle sauce nous serons mangés.
Benkirane est beaucoup plus prolixe quand il s’agit de parler de valeurs que de mesures concrètes. Mais sans jamais menacer ni brandir de fatwas. Il est dans une phase de séduction et veut apparaître comme un musulman modéré, un Ghannouchi à peine corsé, un humaniste qui tolère les choses osées, qui lit les intellos égyptiens comme les romans de gare français, qui connaît la vie et la musique, un homme sincère qui avoue qu’il faut parfois mentir en politique... et qui sait dire les vérités qu’on a envie d’entendre.
Mon souvenir le plus agréable
Le jour où je me suis marié ! Ce n’était pas évident, au départ sa famille tiquait...
Mes meilleurs souvenirs politiques
Je ne sais pas s’il y a des souvenirs agréables en politique. Il y a des motifs de satisfaction, mais le plus souvent, ce sont des sensations lourdes.
Mon pire souvenir politique
Il y en a beaucoup. Mais celui que j’ai le moins supporté, c’est lorsque j’ai été arrêté. Et ça m’est arrivé deux fois....
Ma devise
Toute ma vie, j’ai essayé d’être sincère. Je ne peux pas prétendre que je l’ai toujours été, mais c’est ma devise. Ces moments où je n’étais pas sincère, je ne me les rappelle pas. Mais même si je me les rappelais, je ne vous les dirais pas (rires) !
J’essaye de faire de la politique sans mentir. Parfois, je dis les choses d’une certaine façon... Je ne peux pas prétendre que ça ne m’est jamais arrivé de mentir. Notamment chez la police. Mais ça fait partie de la politique !
Mes stars de jeunesse
Alain Delon, Brigitte Bardot, Claudia Cardinale meublaient mon espace audiovisuel quand j’étais jeune...
Mes auteurs
Quand j’étais très jeune, Abbas Mahmoud Al Akkad m’a beaucoup marqué. J’ai presque tous les livres du romancier libanais chrétien Georgi Zidane. Il a écrit sur l’histoire de l’islam d’une façon agréable, toujours en romançant autour d’une histoire d’amour. Quand j’avais 15 ans, vous imaginez... Je « bouquinais » aussi des livres qui se lisent rapidement, comme Guy des Cars.
Ce que je peux lire... ou pas
Chaque personne a le droit d’écrire ce qu’elle veut. Mais parfois, ce n’est pas juste salé, c’est trop salé. On sent qu’on en rajoute pour vendre plus et ça me dégoûte.
Etre un peu osé, c’est naturel, et parfois je ne vous cache pas qu’on trouve du plaisir à ces lectures. Mais il ne faut pas que ça soit exagéré et faux. L’alcool et la sexualité, c’est dans l’islam. Mais un livre sur l’homosexualité, je ne le lirais pas !
L’appel à la débauche est interdit. Si je connaissais un homosexuel, je n’irais pas le dénoncer aux autorités et aucun musulman n’a le droit de le faire. Ça le regarde. Tant que c’est discret, c’est entre la personne et Dieu. Mais si jamais ce monsieur va sur la place publique, là où quatre personnes dignes de foi peuvent le regarder, il entrave la loi.
Propos recueillis par Eric Le Braz et Ali Hassan Eddehbi |