Souiri de naissance, gadiri d’adoption, amazigh jusqu’au bout des ongles et ouvert sur le monde, Brahim El Mezned, directeur artistique du festival Timitar est un humaniste doublé d’un athlète. Cette année, il a réussi le tour de force de diriger deux festivals qui avaient lieu à une semaine d’intervalle : Agadir puis Marrakech.
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Il a déjà commencé à dépoussiérer le vénérable Festival des arts populaires de la ville ocre en organisant un village d’artisans et d’artistes. Et à « dékitschiser » le spectacle du palais El Badi. Rencontre avec un homme qui sait conjuguer le passé au présent.
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Deux festivals
C’est une situation exceptionnelle. Ce n’est pas raisonnable ! Il faudrait un décalage entre les deux festivals. J’ai fait la navette, mais après tout, je ne sais pas quelle ville est la banlieue de l’autre. Timitar est un peu mon bébé puisque c’est moi qui en suis l’initiateur. Le Festival des arts populaire est historique et j’arrive plutôt pour donner un nouveau souffle.
Le village
Je voulais recréer un espace de vie dans un parc, qui pouvait rappeler les moussems. Le festival est lié au palais El Badi où les troupes se produisent entre six et onze minutes, ce qui est un peu frustrant. Au village, elles peuvent présenter leur répertoire en une demi-heure et il y a un contact humain avec le public et les enfants.
Ma fierté
C’est Timitar. C’est d’évoquer la partie vivante de la culture amazighe dans la diversité nationale. Je suis un de ceux qui défendent cette culture et plutôt dans l’action. C’est ma manière de militer.
Je participe à la défolklorisation de cette culture comme beaucoup d’artistes. Quand je vois le travail de Hindi Zahra ou d’Ogaden, je sens que quelque chose de passionnant est en train de surgir.
Mon pays de cœur
Haïti : il y a une énergie artistique extraordinaire dans une misère avec un grand M. Et en plus, il y a eu ce tremblement de terre…
Mes modèles
Quelques figures qui m’ont beaucoup inspiré comme Mohamed Ahmed qui a mené les musiques éthiopiennes vers l’universel, ou Ali Farka Touré pour les musiques du nord du Mali. Et bien sûr beaucoup d’artistes celtes ou balkaniques. Ces figures m’ont permis de croire que c’était possible. Regardez les musiciens du Buena Vista Social Club qui ont connu la gloire à 80 ans…
LE concert
C’est toujours le public qui fait le concert. Avec Cheb Khaled, ce fut vraiment un gros concert. Les bons concerts sont en deux parties. A un moment, il a élargi la scène et y a inclus le public. On ne savait plus si le spectacle se passait sur la scène ou dans le public.
Agadir
C’est une ville passionnante où il fait beau toute l’année. La malchance du tremblement de terre fut aussi une chance pour elle. Car c’est une ville moderne. Son arrière-pays très riche culturellement et économiquement nourrit la ville, contrairement à d’autres cités qui sont de véritables îles dans un environnement pauvre. Et les Soussis sont sympas !
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L’amazighité
Au-delà de la langue, c’est une façon d’être et de vivre. Il y a une mixité hommes-femmes chez nous qu’on ne retrouve pas ailleurs. Même si le milieu urbain commence à être touché par les courants conservateurs. C’est aussi la générosité, le partage. Et c’est ce qui fait notre exception marocaine.
Propos recueillis par
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