Comme Jacques Chirac ou François Hollande, ce Marocain qui vit entre Paris et Montréal est un peu corrézien. C’est à Brive la Gaillarde que Khalid Tamer a grandi, entre 11 et 18 ans, au cœur d’un Limousin qui vit au rythme du rugby.
C’est là aussi, dans cette France profonde, qu’il a trouvé sa première vocation : la danse. Depuis, il n’a cessé d’endosser de nouveaux habits : comédien, metteur en scène, organisateur d’événements, créateur des veillées du ramadan à Paris, des voix de Bamako, du Fest’Art à Dakar et enfin d’Awaln’art à Marrakech.
Pour la première fois cette année, ces rencontres artistiques internationales en places publiques se sont associées au festival Marrakech du rire de Jamel. L’objectif de cette union est ambitieux : faire de Marrakech l’équivalent d’Avignon ou de Montréal, une ville qui se confond avec son festival. Vous savez quoi ? C’est bien parti…
La danse
Mon père croyait que j’allais faire du foot comme mes frères. Moi j’étais à part. C’est la danse qui m’intéressait : Fame, Fred Astaire... Pour moi, le corps reste important aussi bien dans mon travail de metteur en scène que d’organisateur de festivals. Aujourd’hui, en France, la danse ou le cirque marchent de plus en plus.
Hélas, au Maroc, on n’a pas modernisé les arts traditionnels. Regardez les Japonais, le nô, le butô, le kabuki se sont renouvelés. Regardez la danse contemporaine africaine : « Salia nï Seydoux » du Burkina Fasso ou le « Dense Bamako danse » au Mali ont trouvé de nouvelles écritures contemporaines. Au Maroc, on est resté coincé dans nos traditions.
Mon oui au nĂ´
Ce fut d’abord une rencontre avec un maître japonais. Ce que j’aime chez ce peuple, c’est le socle : on sait d’où l’on vient, donc on sait où on va. Le nô, c’est comme la commedia del arte, ça se transmet de père en fils. Je ne peux pas prétendre être un comédien de nô, mais je l’ai pratiqué. Il y a, à la fois, une esthétique et un vrai travail.
Mais vous savez, ici, on a fait un stage d’acrobatie avec des jeunes Marrakchis et une école d’Amiens. Eh bien, les jeunes Marocains voulaient toujours travailler et ne jamais s’arrêter ! Il y a des similitudes entre le Japon et le Maroc. Regardez l’esthétisme, il y a une finesse dans l’artisanat japonais que l’on retrouve chez nous.
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La réalisation dont je suis le plus fier
En 2009, quand j’ai amené le cirque Buren à Marrakech. C’était magnifique et j’ai pu ainsi dire aux artistes marocains que la rue n’était pas qu’aux saltimbanques, qu’il y avait de grands noms de l’art plastique qui travaillent dans l’espace public.
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Jamel debbouze
Il y a eu une très belle rencontre avec lui. On a imaginé de travailler comme à Montréal où le festival Juste pour rire associe l’humour, la scène, la rue… Nous commençons d’ailleurs à programmer les mêmes troupes, puisque les Marseillais de Générik Vapeur, qui ont mis le feu dans les rues de Marrakech dimanche, étaient aussi passés à Montréal. Nous travaillons ensemble pour avoir des productions communes grâce à la création d’un centre de formation autour des arts traditionnels .
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Mon festival préféré
Avignon, 800 compagnies, la fête dans la ville pendant un mois… C’est notre objectif pour Marrakech. Comme à Avignon, on travaille sur la ville, avec des sociologues, des architectes, des urbanistes…
Car si Avignon est devenu le plus beau festival du monde, c’est parce que la ville a compris qu’il fallait investir de l’argent pour entretenir le patrimoine.
Propos recueillis par Cyril Bonnel, Ă Paris
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