L’avocat énigmatique et fascinant est connu pour « défendre l’indéfendable », soutenir les causes « perdues » ou les courants extrêmes. Omar Raddad, mais surtout les auteurs de crimes contre l’humanité : Klaus Barbie et Slobodan Milosevic, le terroriste Carlos, et récemment Laurent Gbagbo.
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Entre 1970 et 1978, il disparaît pour d’obscures raisons, alimentant l’ambiguïté autour de ses connivences. Avocat du diable ou avocat « assumant l’humanité » ? Pour Maître Vergès, dans « le drame qui se déroule devant nous, avocats, nous sommes tour à tour les spectateurs, puis les confidents du personnage principal qui est toujours l’accusé, voire le criminel ».
Présentée le 22 avril à Casablanca, sa pièce de théâtre Serial plaideur (Ed P.U.F.) fait le parallèle entre justice et littérature. Dans sa loge, bien que détendu, il affiche le regard vif et le sourire malicieux.
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Mes débuts
ça s’est passé d’une manière surprenante. J’ai fait des études d’histoire et de langues orientales mais je n’avais pas de vocation. Etre fonctionnaire ne me disait rien, alors je me suis fait avocat. Après trois mois, j’ai été commis pour défendre un jeune malfrat. Très vite, je me suis dit que je pourrais être ce type ! Dans ces circonstances, j’aurais fait pareil… Puis je me suis présenté à un concours très couru au barreau de Paris et j’ai eu la chance d’être nommé premier secrétaire.
Mes guides
C’est paradoxal mais ceux qui m’ont guidé sont mes adversaires politiques. Jacques Isorni, l’avocat de Pétain, ou Tixier-Vignancour, celui du général Salan.
Ils m’ont donné leur estime en disant : « Je suis pas d’accord avec toi mais bravo. »
Mon moteur
Assumer l’humanité. Derrière l’accusé, je vois l’homme. Pour moi, un nazi n’est pas un monstre. La pratique de mon métier est une école de tolérance.
Ce qui m’amuse
Quand je surprends des professeurs de morale la main dans le sac ! Ou quand les assassins de mon ami El Houari ont voulu me tuer et que leur voiture est tombée en panne. C’est quand même fou qu’on veuille tuer quelqu’un et qu’on ne soit même pas foutu de faire le plein d’essence ! (rires)
Mon caractère
J’ai un tempérament à secrets. Je parle de mes affaires mais pas de moi.
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Mon rôle préféré
Faire la guerre. Entre 17 et 20 ans, c’est la plus belle sortie d’adolescence. Et puis durant la guerre d’Algérie, se battre pour défendre sa liberté, contre le pouvoir.
Mon souhait
J’en ai un à Tokyo, dans un parc où on accroche ses vœux à un arbre.
Tout ce que je peux vous dire c’est, qu’il s’est réalisé. (sourire)
Mon dernier instant de grâce
En lisant cette phrase de Saint François d’Assise : « La beauté est la splendeur du vrai. »
L’avocat peut atteindre la vérité, mais c’est surtout le client qui la détient. Et quand il l’assume, ça devient très beau. Quelle que soit sa position.
Mon projet
Porter plainte à Paris pour les massacres en Côte d’Ivoire par les gens que soutient la France.
Mon grand rĂŞve
Je n’oserais pas vous le dire. (rires)
Propos recueillis par Salima Yacoubi Soussane |