Grande figure de la peinture moderne au Maroc, Karim Bennani demeure un artiste généreux et citoyen. Après une formation aux Beaux-Arts de Paris, il crée une œuvre prolixe avant d’initier la Fondation Karim Bennani pour les arts et la culture.
Celle-ci expose actuellement «Quatre peintres repères», dont Kacimi et Gharbaoui. Altruiste, il a fait don de sa série « Carnets de voyage » (1955-2008) au Musée des arts contemporains de Rabat.
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En recherche continuelle, l’artiste s’inspire de la courbe : celle qui dessine le corps d’une femme, le signe d’une calligraphie ou le relief d’un paysage.
Sur ses toiles, l’œil suit des lignes qui se bombent, se cambrent, s’arquent et se voûtent. Des rondeurs généreuses qui charment comme une musique qui ondule.
Mes débuts
Ma formation a débuté à l’Académie des arts de Fès avec Gharbaoui en 1953. Puis nous nous sommes retrouvés en 1954 aux Beaux-Arts à Paris, où nous étions les premiers Marocains.
Forts de notre apprentissage, nous avons redécouvert l’art traditionnel marocain avec un regard neuf, une véritable renaissance à notre culture.
Des retrouvailles avec une culture artisanale qui porte en elle les principes mêmes de l’art contemporain… Bien que moderne, mon travail traduit assurément ce rythme traditionnel.
Mon inspiration
Ma peinture est basée sur trois éléments : la calligraphie, la nature ou le paysage et la femme. Quelle est la relation me direz-vous ?
Dans un corps, il n’y a pas d’angle aigu, il n’y a que des courbes. Dans le paysage ou la calligraphie arabe, pareil. Ce sont des éléments moteurs de mon inspiration.
Mon coup de gueule
Le Maroc est merveilleux mais il y a aussi un peu de pagaille. Dans le domaine de l’art, par exemple, nous n’avons pas assez de spécialistes, pas assez de critiques. Et puis l’aspect commercial a pris une allure telle que ça en devient dangereux.
L’aspect marchand ne peut se réaliser sans une bonne connaissance des œuvres. Les acteurs de ce domaine doivent impliquer plus de spécialistes pour éviter les dérives.
Mon coup de cœur
Ma fondation. Ses 1 500 pièces, je les garde jalousement, comme une belle femme (rires). Montée en 2006 avec mes moyens personnels, elle a reçu des expositions d’artistes d’une dizaine de pays.
Ma ville de cœur
Fès, ma ville natale. Chaque fois que j’y retourne, je découvre des choses nouvelles. Un secret : pour comprendre l’histoire de la médina, il faut lever la tête et lire son passé sur un mur ou dans les détails d’une porte.
Mes lectures
Je lis avec le regard. Je lis les images, les paysages et les symboles forts. Et puis j’apprécie Tahar Benjelloun, un écrivain brillant.
Mes valeurs
L’amitié et le partage. L’amitié, c’est à la fois l’amour et la fidélité. Une grande valeur à mes yeux. Le dialogue aussi : le partage de mon œuvre, et l’échange avec mes enfants – des entretiens vivifiants qui me ressourcent.
Mon voyage
Un voyage à Pékin. J’y ai travaillé un mois durant. La calligraphie chinoise m’a rappelé les signes arabes. J’ai réalisé un parallèle entre les deux graphismes, notamment dans mes carnets de voyage.
Mes projets
Le meilleur projet, c’est de « laisser faire » !
Propos recueillis par Salima Yacoubi Soussane |