L’avant-gardiste
Danseuse et chorégraphe confirmée, Carolyn Carlson a révolutionné la danse contemporaine. Originaire de Californie, elle a su dépasser sa formation classique pour proposer une approche nouvelle, entre la danse et le théâtre.
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Celle qui fut chorégraphe-étoile à l’Opéra de Paris, directrice de la Biennale de Venise et lauréate du premier Lion d’or décerné à un chorégraphe, est une artiste complète. Elle s’exprime aussi à travers la poésie, la peinture et la calligraphie.
Son spectacle Double Vision, présenté mercredi 9 mars à Casablanca, reflète ce continuum artistique. L’extrême inventivité de l’auteur qui mêle mouvements, lumières et scénographies pour décrire une vision très personnelle du monde, transporte le spectateur dans un univers absolument onirique.
Mes débuts
Tout a commencé à San Francisco, où je pratiquais la danse classique. à 17 ans, considérant le classique trop rigide, j’ai entamé des études de poésie et de philosophie à l’université. J’y ai rencontré Alwin Nikolaïs et je l’ai suivi à New York.
Mon mentor
Alwin Nikolaïs a été mon master. Il s’agit d’une rencontre majeure dans mon parcours, une de ces heureuses synchronicités qui m’a permis d’évoluer sept années au sein de son Alwin Nikolaïs Dance Theatre, jusqu’en 1971.
Cette grande figure de la danse moderne m’a révélée en tant qu’artiste et m’a transmis ses idées novatrices sur la danse et la chorégraphie.
Ma ville
Paris a également été une rencontre forte. J’avais déjà très envie d’y vivre et quand Rolf Liebermann m’a invitée pour un solo à l’Opéra de Paris, j’ai naturellement accepté.
Cela a été le point de départ d’une longue collaboration en tant que chorégraphe-étoile puis en tant que responsable du Groupe de recherches théâtrales de l’Opéra de Paris.
Après quelques années en Finlande, en Suède et en Italie, je vis aujourd’hui entre Paris et Roubaix où je suis directrice artistique du Centre chorégraphique national.
Ma spiritualité
Le zen a réellement changé ma vie. Je suis sensible aux courants bouddhistes ; vous savez, je viens de Californie... J’ai également étudié la calligraphie qui, dans son dépouillement, dans ses principes de non-attachement et d’amour universel, s’apparente au zen.
Mon pays de cœur
Le Japon, que j’ai visité à plusieurs reprises, est un pays que j’affectionne. Certainement pour la simplicité absolue que suggèrent les arts orientaux et les philosophies japonaises. Dans leur étude du zen par exemple, l’extrême discipline des moines m’interpelle.
Mon dernier instant de grâce
J’ai visité la grande Mosquée de Casablanca. L’immensité de cet espace suspendu sur la mer m’a beaucoup émue. La qualité de la lumière, la finesse de l’artisanat et le travail du bois sont autant d’éléments qui m’ont inspirée.
Les volumes incroyables et l’épure du lieu m’ont fait penser au zen. Voilà un moment que je ne suis pas près d’oublier !
Mon péché capital
Je suis une artiste à temps plein, je n’ai pas le temps de succomber à la paresse ou autre égarement. En dehors de la danse, je mets en scène des spectacles, je peins et j’écris de la poésie, des haïkus.
On me demande parfois : « Mais quand vas-tu enfin te reposer ? » Je pense trouver paix et repos dans l’exercice même de mes passions. Peut-être est-ce là mon péché capital ? (rires)
Propos recueillis par Salima Yacoubi Soussane |