Il n’aime pas les héros et déteste une hollywoodisation de la télé française où les présentateurs de JT sont castés pour leur physique mais n’ont pas leur carte de presse. Durand, c’est un journaliste à l’ancienne qui s’est retrouvé « bombardé » envoyé spécial à Bassorah parce que tous les grands reporters d’Europe 1 étaient en vacances le jour où l’Irak a attaqué l’Iran. Ce fils de galeriste est aussi un fin connaisseur de l’art contemporain. Et un amoureux des livres qui a longtemps animé sur France 2 des émissions littéraires : Campus et Esprit libre. Ce journaliste éclectique vient de présider le premier prix littéraire de la Mamounia, un prix qui n’a rien d’un festival de mondanités. D’ailleurs, il confie ses choix en short, au bar d’un palace où l’on croise plus d’intellos que de people.
MON LIVRE
J’ai acheté aux enchères Les chants magnétiques que Breton et Soupault ont écrit à 20 ans. C’est l’édition de Breton avec une lettre de Soupault à l’intérieur. C’est une sorte d’impro comme un morceau de jazz, tout est expérimental. C’est une période fascinante et l’aventure de ces jeunes types est inouïe. Pourtant, je ne suis pas un amateur du surréalisme. Et si vous me demandez le livre qui m’a vraiment marqué, je vous répondrais Au-delà des ténèbres de Conrad.
MON MAROC
Je vais dire des banalités mais c’est un pays magnifique. Il m’arrive souvent de le défendre quand on en dit du mal, quand on raconte que ce pays est trop sucré. Trop sucré face au vent de l’Atlantique ? Et puis j’ai vu le Maroc changer. Lors de mon premier séjour, pour des vacances en famille, on m’avait retenu sept heures à la douane parce que j’avais benoîtement déclaré que j’étais journaliste…
L’ART QUE J’AIME
Aujourd’hui, l’art plastique est plus intéressant que le cinéma, la littérature ou une partie de la musique. C’est ce qui bouge le plus et ce qui reste. Regardez comment Hopper a influencé Wenders ou Lynch. Un million de personnes vont voir une expo Monet et pas plus de 5 000 lisent André Gide par an. La littérature se démode tellement plus vite que l’art. C’est ce que j’ai dit à BineBine…
CE QUE JE LIS EN CE MOMENT
Life, les mémoires de Keith Richards. J’ai quand même passé mes années 70 à écouter du rock et à fumer des pétards ! Au fond, on se rend compte que cet espèce de guitariste dégingandé était un maître queux de la culture du XXe siècle : les Stones avaient des rapports avec Godard, Truman Capote. La musique des Stones, c’est lui. C’est un monument. Son style est parlé et il a une liberté de ton que le clampin moyen ne peut pas avoir. Il traite Capote de fiotte et de pédé, il descend Godard qu’il considère comme un nul. C’est intéressant.
MON ARTISTE
Le plus grand aujourd’hui est peut-être Ugo Rondinone qui crée des cibles peintes gigantesques. C’est un Suisse qui vit en Suisse et qui prouve que l’art aujourd’hui n’est plus à Paris ou à New York. Il est partout.
L’ART QUE JE N’AIME PAS
J’aime bien les trucs qui sont fait seuls pour des gens seuls. Comme la peinture ou la littérature. Maintenant quand on se rassemble, il faut qu’on se ressemble. Quand un philharmonique donne un concert, la salle est vêtue comme l’orchestre. Quand Joey Star chante, il y a 5 000 Joey Star dans la salle. C’est pathétique. Les gens ne veulent pas être surpris. Les marginaux de nos jours aiment ce qui leur ressemble comme les bourgeois les plus conformistes !
Eric Le Braz |