Ce fut longtemps un agitateur multicarte : du comité Palestine au comité de défense de Salman Rushdie dont il fut secrétaire général en passant par différents combats pour défendre les immigrés (en France) ou les droits de l’Homme (au Maroc), Driss El Yazami a beaucoup milité avant de diriger le CCME (Conseil de la communauté des Marocains à l’étranger). L’ancien gauchiste se définit aujourd’hui comme un universaliste « car l’universel permet l’épanouissement du particulier ». Rencontre avec un homme revenu au pays pour s’occuper de ceux qui l’ont quitté.
MON PAYS
C’est le Maroc qui bouge, le Maroc des musiciens et plasticiens d’aujourd’hui, le Maroc de l’IER, le Maroc qui permet, lorsqu’il y a un débat sur le statut de la femme, que deux manifestations puissent se tenir pacifiquement : une à Rabat et l’autre à Casa. Une pour et une contre. Pour moi la démocratie, c’est la gestion pacifique du dissensus. C’est aujourd’hui la grande tendance fondamentale du Maroc. Ça ne signifie pas que tout va bien. Mais cela veut dire que contrairement à ceux qui proclament la fin de l’histoire, nous sommes en train de faire notre histoire.
MON AUTRE PAYS
L’Algérie m’a toujours passionné. C’est un pays que j’aime beaucoup. Pendant vingt ans en France, j’avais plus d’amis algériens que marocains. J’ai beaucoup travaillé dans les années 90 sur la question des droits de l’Homme en Algérie. Je suis interdit de séjour depuis 2000 après des rapports sur la question des disparitions et ce pays me manque. C’est un très grand peuple.
MES LIVRES
Je suis dans une période américaine depuis de longues années. Quand je découvre un écrivain, je lis tout : Jim Harrison, Carver… C’est une très grande littérature. Maintenant, je suis en train de me plonger dans la littérature indienne. Loin de Chandigarh de Tarun Tejpal est l’un des plus beaux livres d’amour que j’ai lus.
MA PASSION CACHEE
J’étais inscrit à l’Idhec (Institut des hautes études cinématographiques), j’avais une bourse. Mais le conseiller culturel de l’ambassade de France, Monsieur Robert Charasse, qui m’avait octroyé la bourse, m’a appelé après le bac pour me dire : « Avec le cinéma, vous ne pourrez pas faire vivre votre famille. » J’étais l’aîné de la famille. Il était assez fin pour savoir que l’aîné, c’était la retraite des parents. Il m’a conseillé de faire l’école supérieure de commerce. Mais le cinéma, c’est toujours une passion. J’ai fait des documentaires sur l’islam en France et les harkis dans les années 80. J’aimerais en refaire…
MON MAROCAIN
Driss Benzekri sans hésitation, le président de l’IER. Il restera, dans l’histoire du Maroc, comme un grand réformateur.
LA PHRASE QUI M’A MARQUE
Un copain, prêtre de la Joc (Jeunesse ouvrière chrétienne) m’a dit un jour : « Tu es Pierre et sur cette pierre, je bâtirai mon église. » Je ne me suis pas converti pour autant mais c’était une phrase symbolique de la construction et de la ténacité. Et je suis tenace.
MON ECRIVAIN
Mohammed Khaïr-Eddine. L’un de ces romans s’intitule Ce Maroc. Il y a tellement d’amour et de révolte dans ce titre.
MON ESPOIR
Voir la frontière maroco-algérienne ouverte.
Propos recueillis par Eric Le Braz |