Artiste talentueux et personnalité modeste, Abderrahim Yamou a trouvé l’équilibre que beaucoup d’autres semblent encore chercher. De son passé de biologiste, il a gardé ce goût pour le monde végétal, qu’il reproduit dans ses plus petites molécules. Avec lui, la peinture ressemble à un voyage chez les lilliputiens. Un voyage dont on revient charmé et fin prêt pour une nouvelle excursion : celle d’une sculpture, pleine de piquant...
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MA COULEUR
Le vert, parce qu’il est à mi-chemin entre le bleu du ciel et le jaune du soleil et… qu’il porte malheur aux comédiens (rires). Vous ne trouverez jamais un théâtre de cette couleur.
MON IDEAL
Mourir heureux. On y parvient par le biais d’un travail sur soi, par son engagement citoyen et par la construction d’un pont entre les êtres, les cultures et les genres. Mourir heureux, c’est avoir participé à changer le monde à son échelle, tout en ayant fait le moins de mal possible autour de soi.
MON ARTISTE
Rembrandt. Il a été impressionniste trois siècles avant que ce courant artistique ne voie le jour. En regardant ses tableaux, on a l’impression d’y voir des taches et ce n’est qu’en prenant du recul que l’on s’aperçoit que chaque tache est à sa place sur la toile. Pour moi, il reste le maître inégalé et l’avant-gardiste par excellence.
MON LIVRE
Mensonges sur le divan de Yalom Ervin. C’est un roman passionnant qui traite du milieu psychanalytique californien et des rapports mitigés qu’entretiennent les patients avec leurs thérapeutes. Il est écrit avec une extrême intelligence. Mon autre livre s’appelle Loin de Chandigarh, c’est l’histoire d’amour très originale d’un couple d’Indiens, au sein d’une société tiraillée entre modernité et tradition.
MON ETHIQUE ARTISTIQUE
Je m’interdis de m’ennuyer dans mon métier. Chaque fois que j’ai l’impression de travailler comme un robot, je m’arrête et chaque fois que je commence à maîtriser quelque chose, je me lance à nouveau vers un terrain inconnu. J’aime fonctionner de manière intuitive.
MON MEILLEUR SOUVENIR
Le jour où j’ai vu le Taj Mahal pour la première fois. J’ai ressenti un bonheur extrême devant son étonnante beauté. Ce monument est à la fois solide et transparent, un peu comme si sa symétrie parfaite s’ouvrait sur quelque chose d’autre…
MON PROJET DE VIE
Essayer de peindre le plus tard possible et avec le plus de sincérité possible.
MON MAROC
Voir le bon côté des choses, accepter et faire avec les contradictions de mon pays.
MON MATERIEL
J’adore utiliser les clous pour mes sculptures, c’est métallique mais ça peut devenir souple. Lorsque je peins, en revanche, j’aime la gomme arabique et la térébenthine. Cette dernière me rappelle les premiers ateliers de peintre que j’ai visités dans ma vie.
MON FILM
Les enfants du paradis avec Arletty. Je regarde ce film presque tous les mois et je le redécouvre à chaque fois.
MA FOLIE DOUCE
Les bains moussants parfumés aux huiles essentielles. J’ai dû y renoncer au profit des douches, parce que c’est beaucoup plus écologique.
MON COUP DE CĹ’UR
L’Orangerie à Paris. On y retrouve tous les Nymphéas de Monet, mon autre artiste fétiche. La première fois que j’y suis allé, j’ai eu envie de m’asseoir, de suspendre le temps et d’entrer dans cette peinture comme on entre dans une conversation infinie avec quelqu’un que l’on apprécie.
MON COUP DE GUEULE
Le manque de rigueur de mes compatriotes. Je déteste, ça me tue...
Propos recueillis par Sabel Da Costa |