Larbi El Harti cache bien son jeu. On peut le croiser tout sourire pendant une mini-manifestation de chĂŽmeurs qui perturbe les tonalitĂ©s arabo-andalouses du festival Alegria dont il est le directeur artistique. Larbi «âbeau gosseâ» El Harti reste imperturbablement cool. Jamais content⊠mais jamais mĂ©content non plus. «âJe suis toujours dans le paradoxeâ: heureux et insatisfait. Heureux car le festival commence Ă avoir une vraie personnalitĂ© et gĂ©nĂšre de lâinteraction avec un public de plus en plus diversifiĂ©. Insatisfait car il faut quâon travaille plus, quâon ââpolisseââ davantage. On ne sera jamais Dieu mais on doit tendre vers une certaine perfection.â» Le tout servi dans un français recherchĂ© avec une pointe dâaccent espagnol. Larbi, Ă©crivain hispanophone nĂ© Ă Asilah, est un Marocain Ă lâaise avec toutes les cultures, de Beyrouth Ă BuenosâAiresâŠ
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MA MUSIQUE
Les bolĂ©ros (rires). Je suis un sentimental. Tous les bolĂ©ros sont des histoires et, en tant quâĂ©crivain, jâaime quâon me raconte un rĂ©cit. Ce sont toujours des histoires dâamour impossibles et moi jâai eu une vie impossibleâ!
MES MENTORS
Sans ĂȘtre vraiment des mentors, il y a eu deux personnes qui mâont marquĂ©. Jâai fait lâĂ©cole espagnole dĂšs mon jeune Ăąge. JâĂ©tais un garçon trĂšs turbulent au lycĂ©e. On voulait mâexpulser. Et une personne mâa sauvĂ© et mâa dĂ©fendu en disantâ: «âCe garçon a quelque chose.â» CâĂ©tait un militaire franquisteâ!
Plus tard, jâĂ©tudiais les sciences Ă Tanger. Et en sixiĂšme annĂ©e, un vieil homme est arrivĂ©. Il a enseignĂ© la littĂ©rature pendant six mois. GrĂące Ă lui, jâai compris que je nâĂ©tais pas un scientifique.
MES MOMENTS DE GRACE
En 2008, câĂ©tait un spectacle de la chorĂ©graphe espagnole Maria PagĂ©s. Nous avions synchronisĂ© le spectacle avec la priĂšre. Au moment oĂč la voix sâĂ©levait, la danseuse est descendue et une lumiĂšre bleue sâest posĂ©e sur la scĂšne. Elâadhan est devenu un Ă©lĂ©ment de beautĂ©. Mon dernier moment de grĂące : Othmane ElâKheloufi. Ce fut un moment de lumiĂšre cette annĂ©e. Câest un jeune Ă©tudiant qui monte son groupeâ; il sâest produit pour la premiĂšre fois dans un festival et il lâa trĂšs bien fait. Ăa mâa touchĂ©. Il est peintre, musicien, acteurâ: quel artisteâ! Ce nâest pas (encore) une vedette. Mais je crois quâil faut un dĂ©bat sur le vedettariat. Nous dĂ©fendons une idĂ©e trĂšs simple Ă Chaouenâ: nous sommes un petit festival dans une petite ville. Venez nous dĂ©couvrir, venez dĂ©couvrir les artistes programmĂ©s. Prenons, par exemple, le cas de TrombaâKung Fuâ: le premier soir, personne ne les connaissait, mais tout le monde avait lâair de les connaĂźtreâŠ
MON LIVRE
Don Quichotteâ! Ăvidemment (rires)â! Il y a tout dans ce personnage. Câest le paradigme des transitions. Apparemment, il a rejetĂ© la Renaissance. Cependant, câest lâhomme de la Renaissance, lâhomme des modernitĂ©s, tout en restant trĂšs marginal. Câest un personnage de la frontiĂšre qui nâappartient Ă personne. RejetĂ© par les deux parts car incompris.
MON ESPAGNE
LâEspagne mâa appris Ă aimer mon pays. Câest trĂšs borgĂ©sienâ: lâEspagne, câest le miroir. On dĂ©couvre qui lâon est ailleursâŠ
MA VILLE
Asilah. Car câest mon enfance. Il faut maintenir, garder et «âmĂ»rirâ» lâenfance. Sinon on devient adulte. Et lâadulte⊠pffffâ!
MON AMBITION
Câest une ambition dâordre social. Je fais partie dâun groupe, le Maroc, et je veux quâil bouge. Peut-ĂȘtre par Ă©goĂŻsme. Pour mes enfants.
MA CHANSON
Brelâ: Lâinaccessible Ă©toile, bien sĂ»r. Je lâadore.
Propos recueillis par Eric Le Braz |