Il est revenu pour un quart de lune dans le pays de sa naissance. Onze lunes au Maroc est un ouvrage édité chez Gallimard et Malika Editions. Et une expo à la fondation Slaoui de Casablanca où l’on peut voir les œuvres de jeunesse de Titouan Lamazou, qui a passé près d’un an dans les villages berbères du Haut Atlas. Ce furent, il y a trente ans, les premiers jalons de ce peintre voyageur qui devint plus tard « artiste pour la paix » de l’Unesco, et qui a portraituré des centaines de femmes de par le monde. Mais ce n’est qu’un aspect de la vie de cet aventurier infatigable qui fut aussi marin au long cours, vainqueur de la première course autour du monde en solitaire sans escale en 1990. Depuis, il ne cesse de voguer, ses pinceaux à la main. On a rencontré ce Casablancais de naissance lors d’une escale dans sa ville natale...
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Casablanca
Plein de gens me disaient, « oh  Casa, ce n’est plus du tout ce que c’était ! Le patrimoine est parti en gravas ». Mais il y a toujours une identité dans cette ville, mine de rien. Il n’y a pas que des quartiers modèles et modernes bien sûr. Mais c’est le cas de toutes les villes du monde. La ville idéale d’Oscar Niemeyer à Brasilia, c’est éternel. Mais il y a des favelas considérables autour. J’habite à Paris et quand je vais sur les Champs-Elysées illuminés, j’ai l’impression d’être à Las Vegas !
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Mes artistes
J’ai été souvent plus attiré par la biographie des peintres que par leur œuvre. Le Caravage, Van Gogh, Gauguin... Ah Gauguin, un peintre voyageur ! J’étais attiré par son œuvre extrêmement évocatrice, ses couleurs, sa sauvagerie...il a eu une aura considérable mais une vie de merde. A la fin, il était aigri, dans la misère, malade.
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Ma vocation de marin
A 15 ans, j’étais parti de Marseille jusqu’à Essaouira. On est arrivé un matin à l’aube, il n’y avait pas un chat, pas un bateau dans le port. C’était magnifique. On est allé se balader dans la médina et au retour, tous les sardiniers revenaient. Il y avait une effervescence qui m’avait fasciné. Les pêcheurs repoussaient notre bateau de loin en loin car il gênait pour le déchargement. Et pour s’excuser, ils déposaient un seau de sardines sur le pont. Cette arrivée dans le port m’a donné envie de la renouveler. J’adore aborder les pays par la mer. Arriver en voilier à New York, c’est féérique.
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Mon premier mentor
Je me demande si c’est le maître qui influence son élève ou si c’est l’élève qui choisit son maître. J’ai eu un prof de dessin en seconde à Marseille, Yvon Le Corre, qui faisait du bateau et des carnets de voyages et qui m’a beaucoup influencé. Il ressemblait à la vie que j’envisageais.
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Mon second mentor
Le navigateur Eric Tabarly était un personnage beaucoup plus complexe que sa caricature. Contrairement à ce qu’on pourrait penser d’un officier de marine, c’était un homme extrêmement libertaire. Il ne faisait pas de compromis mais n’avait pas non plus d’a priori. Quand on voyait l’équipage d’Eric Tabarly, c’étaient tous des baroudeurs, comme moi.
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Les auteurs de ma vie
Beaucoup d’auteurs anglo-saxons ont bouleversé ma cervelle d’enfant, Stevenson, London, Lawrence d’Arabie... Mais je ne lisais pas que des romans d’aventure. Il y avait aussi Rousseau, Stendhal ou Proust... Pas vraiment le profil d’un aventurier ! Et puis il y a eu Blaise Cendrars qu’on a traité d’imposteur car on lui reprochait de ne pas avoir fait tous les voyages qu’il décrivait. Et il rétorquait :« Je ne les ai peut-être pas faits, mais mes lecteurs, si ! »
Propos recueillis par Eric Le Braz
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