Victor Del Campo, président du Forum des arts de Casablanca a dit de Malika Agueznay : « Il y a eu Chaïbia et puis, elle », lors de sa consécration à la clôture de cette édition. Du haut de ses trente-cinq années au service de l’art, Malika Agueznay peut prétendre à l’écriture de l’histoire de l’art contemporain marocain au féminin. Artiste plasticienne pluridisciplinaire et protéiforme, elle dialogue avec la peinture, la gravure et la sculpture, avec entrain, découvrant en permanence leurs possibilités, leurs tréfonds. Sa volonté d’apprendre est telle, qu’elle enchaîne les ateliers jusqu’aux Etats-Unis pour cerner l’art intégralement.
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Ma définition de l’art
Se connecter à soi-même et en sortir ce qu’il y a de meilleur. Il nous permet aussi d’extérioriser ce qui nous taraude et d’exorciser nos maux. Je suis une grande timide et pouvoir m’exprimer à travers mes peintures et mes gravures m’a apporté l’équilibre dont j’avais besoin.
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La définition de mon art
Je suis une artiste peintre formelle, dans le sens où j’utilise beaucoup les formes (mes algues sont surtout des formes, des lignes). Je suis un peu extrémiste : mes travaux représentent soit un blanc immaculé, soit une profusion de couleurs. Le noir m’effraie. Pourtant, je trouve que c’est une très belle couleur. J’ai d’ailleurs essayé de l’expérimenter lors de ma récente résidence à Ifitry, en compagnie d’autres femmes artistes venues des quatre coins du monde, mais je me suis vite rétractée pour retourner à mes premières amours.
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Mes références artistiques
Je n’ai pas de préférence parce que je trouve que chaque artiste apporte quelque chose. Je m’en inspire et apprends des expériences d’autrui. Cela dit, je ne les imite pas, mais leur générosité, le fait qu’ils se mettent à nu à travers leur travail et qu’ils l’assument, est ma leçon de vie.
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Ma première expo
C’était en 1982 à l’ancienne galerie Nadar. A mon grand étonnement, mon travail a plu. J’ai réalisé alors que je pouvais toucher la sensibilité des gens, chose qui m’a rassurée quant à la légitimité de ma place dans le champ artistique marocain. Cela m’a donné envie de continuer.
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Ma ville
Marrakech est ma ville natale. Quelle que soit la peine que j’ai, dès que je franchis la palmeraie, je suis dans la joie, comme exorcisée. Je pense que la première bouffée d’oxygène qu’on a reçue marque notre mémoire olfactive. Asilah vient en second lieu car je la fréquente depuis maintenant trente-quatre ans. J’y ai appris la gravure auprès de grands artistes.
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Ma plus grande fierté
D’avoir une famille magnifique. Mon mari m’a encouragée à m’inscrire à l’Ecole des beaux-arts à l’heure où je devais m’occuper de ma fille de trois ans. Il a sympathisé avec les artistes et a adhéré à la contemporanéité qui battait son plein à l’époque. Je suis fière également de voir mes filles suivre le parcours qu’elles s’étaient tracé. Je les avais prévenues : « Vous ne vous enrichirez pas grâce à l’art mais vous gagnerez en équilibre. Les rapports sociaux sont meilleurs lorsqu’on est désintéressé. »
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Le Maroc auquel j’aspire
C’est celui que je vois évoluer. Aujourd’hui, les parents n’obligent plus leurs filles à suivre un parcours professionnel « conformiste ». Bien au contraire. Ils sont fiers de les voir s’épanouir, de les voir réussir. Il faut dire aussi que les femmes sont très responsables. C’est peut-être ce côté maternel inhérent à l’espèce même qui fait que l’on peut leur confier n’importe quelle mission, elles s’en acquittent avec efficience.
Recueilli par Asmaa Chaidi Bahraoui |