Corneille, c’était le prince charmant de toute une génération de jeunes filles en fleur. On ne jurait que par lui. Normal, il avait tout pour plaire : une voix soul drapée d’un fin voile d’or, des textes très intimes qui parlent d’amour, de coup de foudre ou encore de solitude, et l’allure d’un crooner tout droit sorti de Brooklyn… Bon, c’est vrai qu’aujourd’hui on a l’impression qu’il a basculé du mauvais côté de l’accord. Il surfe sur la vague électro synthétique et ça marche très fort, il est à nouveau sur le devant de la scène. Tant mieux pour lui ! C’est avec classe… que Corneilus Nyungura (de son vrai nom) nous a fait part de son amour pour la musique, son fils, la justice et Sartre.
Â
Mes trois continents
Je suis né en Allemagne, mes parents y faisaient leurs études. A l’âge de six ans, on est retourné au Rwanda où j’ai passé pratiquement toute mon enfance avant de le quitter, précipitamment, après le génocide de 1994. C’est un épisode très marquant dans ma vie, car j’y ai perdu toute ma famille… Je me suis alors installé à Montréal où je vis actuellement. Le hasard des choses a fait que j’ai fait carrière en France... C’est dire à quel point je suis connecté à plusieurs pays complètement différents et cela ne m’a jamais posé problème.
Â
Ma musique
Je suis très imprégné par la culture et la musique afro-américaine. J’ai appris à aimer la musique avec la soul, le hip- hop et le rythm and blues. Je pense que ça déteint sur ma musique, qui est difficilement « catalogable ».
Â
Mes défauts
Ah bah j’en ai plein… Je suis très têtu, un brin borné, ça me sert quand j’ai raison et ça se retourne contre moi quand j’ai tort. Il m’arrive de m’accrocher à des idées – qui peuvent être fausses – juste parce qu’elles sont miennes, et c’est un gros défaut. Je peux être très extrême dans ma manière de me concentrer sur certaines choses, surtout quand il s’agit de musique. Et c’est le cas en ce moment car je prépare mon nouvel album et je suis à fond dessus. Je réfléchis musique, je parle musique, bref je vis musique sauf quand je suis avec ma petite famille.
Â
Mes qualités
Je pense que je suis quelqu’un d’honnête et de juste. Je suis un fan de la justice sous toutes ses formes.
Â
Ma tolérance
C’est vrai que « tolérer » peut avoir une connotation négative, car on aimerait « accepter ». Je pense que la tolérance est la première étape de l’acceptation. Il serait naïf de croire qu’on peut, du jour au lendemain, accepter celui qui semble différent de nous. Ce n’est pas dans la nature humaine. A moins que vous ne soyez un illuminé ou le dalaï-lama (rires). La tolérance est justement le premier réflexe à enclencher pour accepter l’autre. On ne peut pas ne pas vivre avec car, aujourd’hui, il est très rare de trouver des gens nés dans un même endroit, qui y vivent, qui parlent la même langue, qui ont la même religion, les mêmes opinions... et c’est tant mieux !
Â
Mes lectures
Je m’attache énormément à la philosophie, j’ai lu des auteurs classiques comme Nietzsche, Sartre, Kant, Comte… Mais je m’intéresse plus à la vie des « grands Hommes » qu’à leurs pensées. C’est pour cette raison que je lis beaucoup de biographies. Un des livres qui m’a marqué, c’est la biographie de Sidney Poitier, un acteur afro-américain qui a enfreint toutes les règles de la société américaine à une époque où la ségrégation battait son plein : premier Noir à gagner un oscar, à être à l’affiche d’un film hollywoodien, etc. Son humilité, son honnêteté et sa sagesse me touchent beaucoup. Malgré tout ce qu’il a pu subir, en tant qu’Afro-Américain, il n’en est pas amer, pas rancunier, il relativise et surtout il prend sur lui, car il a compris que pour évoluer, il faut relativiser et voir les choses dans leur ensemble.
Propos recueillis par Kaouthar Oudrhiri |