C’est un showman à l’américaine enrichi d’un humour à la marocaine. Une star dans son pays, le Québec : en 2010, pour sa tournée, Rachid Badouri a vendu 210 000 billets, presque autant que Céline Dion. Un score énorme dans un pays de 6 millions d’habitants. Depuis deux ans, il s’attaque au public français et revient sur scène à Paris en novembre. Entre-temps, il a déjà séduit le public marocain lors d’une prestation au Marrakech du Rire de Jamel Debbouze. L’enfant de Montréal a d’ailleurs un univers proche de celui du Beur de la banlieue française. Il raconte son enfance, les chocs culturels et fait de ses parents les vraies vedettes du spectacle. Dans la ville ocre, il a fait monter son père sur scène pour rendre hommage à sa mère disparue l’année dernière. Ce virtuose du rire sait aussi faire pleurer...
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Ma première fois
Quand on est venu pour les vacances au Maroc, en famille, j’étais encore un ado. Mon père nous a montré Casa, la côte, les belles villes. Puis, il nous a dit « hop, on va au bled ». Quand t’es jeune, tu veux pas y aller au bled... Mais en même temps, c’était une telle richesse de découvrir la terre de mes parents et leur cheminement. Ce n’est pas rien de partir d’un village perdu entre Taza et Al Hoceima et de traverser l’Atlantique. J’ai découvert ma région et je sais aujourd’hui que je suis rifain. Eh, oui, nous on ne se laisse pas faire ! J’ai l’air cool, mais faut juste ne pas me couper la route sur l’autoroute !
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Notre histoire
Au Maroc, mon père n’avait que des petites jobines. C’était pas fameux. Alors il a émigré en Hollande, à Rotterdam, comme beaucoup de Rifains. Un ami berbère qui se mariait avec une Québécoise lui a alors écrit en 1968 : « Tu es le seul Marocain que je connaisse qui possède un passeport européen. Veux-tu venir à mon mariage ? » Il est parti et est tombé en amour avec le pays. Il est revenu chercher ma mère au bled. Et il n’a découvert l’hiver qu’après... et là , il a eu le choc thermique !
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Notre humour
Les Marocains sont de grands raconteurs. C’est dans nos gènes, on sait charmer. Au Québec, on est aussi un peu comme ça. L’humour, c’est notre culture. On a une école nationale de l’humour certifiée par le ministère de l’Education. Le don de faire rire, ça ne suffit pas. Dans cette école, on apprend la technique. Les humoristes sont des rock stars au Québec. On remplit tout de suite de grandes salles et on a le plus grand festival d’humour au monde.
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Mes sketches cultes
Le sketch de Gad quand son grand-père va au McDonald’s. Jamel, quand il explique dans 100% Jamel ce qui lui est arrivé quand il est devenu célèbre. Et en anglais, Dave Chapelle, Live in Whashington.
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Mes deux cultures
Nos parents ont fait un job parfait en nous rendant fier d’appartenir à deux communautés. Et j’aimerais en avoir encore plus ! Ma femme est d’origine syrienne, t’imagines les enfants que ça va faire.
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Mon pays
Je me sens quand même citoyen du monde. J’ai eu la chance de grandir dans une école multiethnique à Montréal. J’ai appris à imiter les différents accents, j’adore goûter toutes les cultures. Je suis un caméléon.
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Marocain au Québec
Quand j’étais petit, j’avais un ami haïtien et un autre québécois, qui était roux. Nous étions tous minoritaires. J’ai rencontré ma première Marocaine, Asmaa, au lycée. C’est dire si nous étions peu nombreux ! Depuis ça a changé... Aujourd’hui, les Québécois aiment les Maghrébins car ils arrivent préparés, déjà scolarisés et francophones. Ils veulent travailler et s’intègrent bien. Il y a déjà un petit Maghreb à Montréal avec une centaine de commerces !
Propos recueillis par Eric Le Braz |