Militante à 14 ans, gauchiste à 17, Madame la vice-présidente du Parlement a été très vite plongée dans la vie politique. Une histoire qui commence dès le berceau quand l’un de ses frères est enlevé. Les deux autres le seront aussi. Défenseur des droits de l’homme à Amnesty international ou à l’AMDH, elle sera parmi les fondatrices du Forum marocain pour la vérité et la justice avant de rejoindre Driss Benzekri à l’Instance équité et réconciliation. La militante multicarte est aujourd’hui députée du PAM, un parti dont elle a pourtant démissionné avec fracas avant de revenir sur sa décision. Elle fait souvent l’actualité Khadija Rouissi, pour polémiquer avec les islamistes sur l’interdiction de l’alcool ou dénoncer, comme elle l’a fait cette semaine, les cas de torture dans la prison de Oukacha... La présidente de l’association Bayt Al Hikma ne manque pas d’ennemis, mais aucun ne peut lui reprocher de ne pas être cohérente dans ses engagements. Rencontre avec l’une des rares laïques qui s’assume au Maroc.
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Mon père
Il avait des valeurs sûres. Issu d’une famille de riches notables, il ne considérait pourtant pas que l’argent était une valeur. La franchise, la solidarité, la liberté, la tolérance, voilà les vraies valeurs. C’était un fqih, profondément musulman et croyant mais il défendait la tolérance.
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Ma passion
Toute ma famille joue aux échecs. Mon père et ma mère se sont connus car ils jouaient aux échecs comme mon grand-père qui participait à des tournois internationaux dans les années 30. J’ai poursuivi la tradition : à 12 ans, j’ai joué contre le champion du Maroc. Maintenant je n’ai plus le temps et mes enfants me réclament souvent des parties ! Dans les échecs comme en politique, il faut toujours réfléchir avant d’agir... Pièce posée, pièce jouée.
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Le livre
Le père Goriot que j’ai lu dans mon enfance. C’est une histoire qui montre qu’il faut des limites dans la vie.
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Le film
La vie des autres. Ce film m’a séduite car il montre que les certitudes les plus absolues détruisent les vies des autres. Et que ceux qui avaient ce pouvoir destructeur pouvaient devenir conscients du gâchis qu’ils ont fait...
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Mes démissions
Je suis très indépendante. Je n’ai pas pour autant la démission facile contrairement à ce qu’on dit. Je suis au contraire très patiente. Je suis dans un engagement, je milite et je prends le temps pour convaincre. Mais quand je me rends compte que ça ne mène nulle part, que c’est absurde de continuer, je claque la porte. Quelquefois ça marche... et je reviens sur ma décision comme avec le PAM. Ça n’a pas marché avec mes amis du Forum vérité et justice. Mais je ne le fais pas pour faire pression. Je le fais quand j’ai l’impression de ne plus servir à rien...
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Si j’étais ministre...
J’aimerais être ministre de l’Education nationale. J’irais chercher de l’argent partout pour qu’il y ait des crèches pour tous les Marocains ! Tout passe par la formation et l’éducation pour que demain nous ayons un citoyen tolérant, un citoyen formé comme un individu libre. Je vous parle d’un citoyen souverain qui a la faculté de choisir et de décider. Rendez-vous compte, il n’y a même pas de cours de philosophie ou de psychologie pour former les instituteurs !
Eric Le Braz |