On l’a accusé d’être un parachuté dans une circonscription où il n’avait aucune attache. Le socialiste Pouria Amirshahi, premier député élu dans la circonscription d’Afrique de l’Ouest, a en tout cas réussi son atterrissage. Avec 58,5% des suffrages des Français du Maroc, il bat largement son adversaire UMP, Khadija Doukali (42,5%). Sur l’ensemble de cette circonscription où les binationaux sont majoritaires, le socialiste atteint même 62,4 %. Ce militant capé a fait ses armes dès l’âge de quatorze ans avant de gravir tous les échelons du syndicalisme étudiant. Bédéphile et adepte de la guitare flamenco, Pouria Amirshahi est d’abord un passionné de politique. Ses parents militaient contre le shah en Iran.
Aujourd’hui à la gauche du PS, le secrétaire national du Parti socialiste à la coopération, à la francophonie, à l’aide au développement et aux droits de l’homme a promis, entre autres, qu’il bataillerait une fois élu pour réformer l’ubuesque des visas. Sinon, on ne manquerait pas de le lui rappeler dans quelques mois...
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Mon mentor
Ma mère. C’est grâce à son engagement politique que je suis aujourd’hui français puisqu’elle a dû quitter l’Iran. Elle militait chez les démocrates de gauche à l’époque du shah et elle a été torturée par la police politique. Le combat contre l’injustice me vient d’elle. Mais à la maison, on parlait d’abord de politique française... C’était les années Mitterrand, à la fois la joie et l’impatience. Avec ma mère, une discussion sur deux était politique. Même la culture était ramenée à la politique...
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L’Iran
Je suis arrivé en France à l’âge de quatre ans et j’ai grandi avec des Français de toutes les origines en proche banlieue parisienne. J’avais un lien culinaire et culturel avec mon pays d’origine, mais les débats sur l’Iran m’intéressaient peu. Je n’ai jamais entretenu de relation avec la diaspora iranienne. C’est ma fille de dix-sept ans qui se met à apprendre le persan (et l’arabe d’ailleurs), me faisant ainsi renouer avec mes origines. Je ne suis allé qu’une fois là -bas voir mon père en 2005 qui y était retourné, il avait le mal du pays. J’y ai vécu trois semaines extraordinaires. Mais je n’ai plus le droit de m’y rendre après avoir pris quelques positions durant le mouvement vert de 2009...
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Le Maroc
Avec le Sénégal et la Tunisie, c’est l’un des pays qui me rendent enthousiaste. Pour des raisons similaires : il y a dans ces pays une société civile qui ne lâche rien. Et qui investit un espace qu’on ne lui donne pas forcément. Dans d’autres pays voisins, ce n’est pas le cas. Politiquement, le Maroc est dans une dynamique positive qui pourrait être la clef de ce que nous voulons bâtir entre la France et une partie de l’Afrique.
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Il m’inspire
Jean-Luc Mélenchon met ses idées au-dessus du reste. Et il a la volonté de s’adresser à l’intelligence des gens et pas à ce qu’ils croient savoir. Un peu comme le faisait Jaurès. C’est un compagnon de route. On a milité dans le même courant. Mais je pense qu’il avait tort de penser que le Parti socialiste était mort... Il a voulu faire autre chose ailleurs et nous voulions continuer à redresser la maison.
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Elle m’inspire
Martine Aubry est une femme d’action qui lie la parole à l’acte, ce qui n’est pas fréquent en politique : on est un bon gestionnaire ou on est un grand rhéteur. Ministre ou maire, elle est les deux. Ensuite, elle a des principes chevillés au corps et n’a jamais transigé sur la parité, la diversité, le cumul des mandats. Ça lui a coûté cher, mais elle a assumé jusqu’au bout.
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Ma devise
« La preuve du pudding, c’est qu’on le mange. » (Friedrich Engels). Ce qui signifie qu’à un moment donné, il faut traduire concrètement son engagement.
Propos recueillis par Eric Le Braz |