On l’a croisé à Marrakech. Le photographe écolo revenait de Skoura, au sud de Ouarzazate, où sa fondation Good Planet venait d’inaugurer la première école bioclimatique du Maroc. « C’est quand même une tradition millénaire de construire avec de la paille et de la terre : faire des parpaings dans les villages, c’est complètement con ! »
Le lendemain, il allait s’envoler pour Rio où ses films seront projetés dans le plus grand cinéma de la ville pour toute la durée de la conférence sur le réchauffement climatique, Rio + 20.
Rio, c’est là que tout a commencé pour lui il y a vingt ans. Lors de la première conférence, l’ancien pilote de montgolfière devenu photographe animalier décide de monter le projet « La terre vue du ciel ». Car « cette année-là , je me suis rendu compte à la conférence de Rio, que l’espèce en danger, c’était aussi la nôtre ». Rencontre avec un écolo qui préfère les hommes à la nature.
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Mon mentor
Peut-être Jane Goodall, une vraie star dans les pays anglo-saxons. C’est une primatologue qui étudie les chimpanzés et qui, à 78 ans, continue de parcourir le monde. Cette année, j’ai écrit à tout mon carnet d’adresses pour qu’elle ait le prix Nobel.
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Mon modèle
Je n’en ai pas vraiment et ça me manque. Je suis à la recherche d’un leader, d’un guide. Aujourd’hui, on est 7 milliards d’habitants. C’est invraisemblable : si on totalise les gens qui ont vécu sur terre depuis le début de l’humanité, on n’arrive pas à 7 milliards ! Mais sur ce nombre, on n’a pas de leaders qui ont une vision. On est dirigé par des politiciens qui n’ont qu’une vision électorale. Dans mon dernier film, je montre ces gros bancs de poissons qui vont dans tous les sens sans leader. Comme eux, on est dirigé par le consensus. C’est pas terrible !
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Ce dont je suis le plus fier
Finalement, mon film Home. Je viens de recevoir un mail d’une association de 10 000 Chinois qui me demande l’autorisation de récupérer le film pour le montrer dans la rue, chacun dans sa ville. Quand on fait un travail qui est repris bénévolement par d’autres personnes qui veulent changer le monde, ben oui, on est vachement fier.
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Le pays qui m’a marqué
C’est toujours celui d’où l’on revient. Ce matin, dans cette école en regardant la joie des enfant, en écoutant les femmes me remercier, j’avais les larmes aux yeux. Les paysages, ce n’est pas important. Ce sont les gens qui le sont.
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La photo que je préfère
C’est toujours celle que je viens de faire ! Je reviens de Shark Bay en Australie. Je ne suis pas spécialement content des photos mais heureux d’avoir pu contempler cet endroit : la terre est une œuvre d’art.
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Le livre de ma vie
L es chemins de la liberté de Jean-Paul Sartre que j’ai lu à vingt ans. J’étais un gosse un peu rebelle et j’ai adoré.
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L’écologie, un humanisme
Etre écolo, c’est aimer la vie. Pas seulement aimer la nature mais aimer les autres. L’empathie, le pouvoir de passer un message d’amour. C’est ce qui sera le plus important dans l’avenir. Il est trop tard pour être pessimiste. Aujourd’hui, on doit agir. Agir rend heureux.
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Un souvenir marocain
Après la projection de Home à Casablanca devant des enfants, un gosse m’a demandé: « Monsieur, croyez-vous à la fin du monde ? » Je lui ai dit : « C’est curieux que tu me dises ça. Tu y crois, toi ? » Et il m’a répondu : « Oui, car j’ai vu votre film et je lis les journaux. » Et quand j’ai demandé « Qui croit à la fin du monde ? » : 60% des mains se sont levées. On vit dans un déni collectif, même moi je refuse d’y croire. Mais les gosses ont conscience du danger qui nous menace...
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Propos recueillis par Eric Le Braz |