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« La politique est l’art du mensonge », disait Machiavel, qu’à cela ne tienne ! Tout homme politique qui se respecte semble soumis à l’obligation de tromperie sur la marchandise. Les gogos et autres militants ébahis par le discours du maître sont souvent les meilleurs complices de cette compilation de mystifications.
Dernier exemple en date, ces partis politiques qui n’hésitent pas à surfer sur les mouvements sociaux, reprenant à leur compte les slogans de la rue, faisant semblant de ne pas comprendre que le « dégage » s’adresse à eux au premier chef ! Dans la foulée, compulser les déclarations de patrimoine des élus et autres responsables de l’Etat serait un exercice amusant s’il ne s’avérait dramatique.
Censée traquer les enrichissements frauduleux, la procédure est passée pratiquement à la trappe à la lecture de ces misérables formulaires désespérément vides ou du moins très peu fournis.
La duperie est souvent la ligne stratégique des personnages hauts en couleur mais les petites gens ont aussi un sens de la magouille particulièrement aiguisé. Cela va du spécialiste de la resquille dans les bus au faux handicapé qui louche sur votre portefeuille, en passant par le bidonvillois qui se fait inscrire, grâce à un faux certificat de résidence et contre bakchich en espèces sonnantes et trébuchantes, dans une autre ville pour bénéficier plusieurs fois des programmes de relogement.
C’est aussi le restaurateur ayant pignon sur rue qui sert du poulet, mort de maladie, le boui-boui qui n’hésite pas à offrir des merguez de chien ou encore ces commerçants véreux qui trafiquent, toute honte bue, leurs instruments de pesage.
Il y a encore ces fonctionnaires qui considèrent qu’il n’y a pas de tâche moins glorieuse que celle qui est réalisée au service des intérêts d’autrui. Des enseignants qui profitent des nombreux jours de grève pour se sustenter d’heures supplémentaires juteuses.
Ces faux manifestants, mais véritables escrocs, qui se font payer grassement pour en mettre plein la vue « aux ennemis de la nation ». Quand ce n’est pas encore ces vingtfévrieristes, trois pelés et un tondu qui poussent le leurre jusqu’à nous servir à satiété : « Le peuple veut ceci, le peuple exige cela ! »moralistes dans ce bas monde.
Un tricheur, c’est aussi un imposteur, une personne qui se fait passer pour ce qu’elle n’est pas. Tartuffe rougirait devant l’aplomb de ces Marocains, toutes classes sociales confondues, qui soutiennent le contraire de ce qu’ils sont.
Des ripoux professionnels qui sont capables de tenir en haleine l’assistance pendant des heures en pérorant sur « la chute des valeurs, la perte du sens civique, la corruption », et bien d’autres joyeusetés. Comme si l’aveu des défauts de leurs congénères les dispensait de corriger les leurs.
« Celui qui triche n’est pas des nôtres », clamait le prophète de l’islam, ce qui
n’empêchera pas les apologistes de la fourberie d’arguer que les Marocains étant des virtuoses de la magouille, il fallait supporter vaillamment ce sport national.
C’est se moquer de tous ceux, foncièrement honnêtes, qui respectent scrupuleusement la légalité et qui, souvent, continuent de payer pour les autres.
Abdellatif El Azizi