Promesses à vau-l’eau
Sous la pression de la rue, nous avons tous remarqué que le gouvernement s’était empressé de lâcher du lest pour faire tomber la fièvre contestatrice. Sortie brutalement de sa léthargie, l’équipe de Abbas El Fassi a donc multiplié, depuis le 20 février, les annonces plus ou moins démagogiques pour rassurer l’opinion publique et, au-delà , la rue.
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Insertion de 4 000 diplômés chômeurs – sans concours – au sein de l’administration ; augmentation de 600 DH des salaires des fonctionnaires ; relèvement de la pension minimale de retraite de 600 à 1 000 DH et du quota de la promotion interne à 33% ; revalorisation du SMIG de 15% dont 10% à partir de juillet 2011 et 5% en juillet 2012. Et pour éviter que la grogne ne gagne le monde rural, promesse a été faite de relever le salaire minimum agricole (SMAG).
Seulement voilà , toutes ces mesures ont été entérinées dans la précipitation, sans que le gouvernement ne prenne le temps d’en évaluer l’impact budgétaire, ni d’en déterminer les modalités de financement.
La loi de Finances 2011 ne prévoyant aucune de ces mesures, la question du financement reste donc posée. Mais qu’à cela ne tienne, ces annonces successives ont désamorcé les menaces de grève, calmé les ardeurs des syndicats à la veille du premier mai et réduit le nombre de diplômés chômeurs domiciliés en face du Parlement… Du moins pour le moment. Car les licenciés chômeurs remplacent déjà les docteurs chômeurs réclamant, eux aussi, un poste dans la fonction publique.
Toutes ces mesures prises à la va-vite ressemblent davantage à la pose d’un plâtre sur une jambe de bois qu’à une politique économique et sociale mûrement réfléchie. Une politique sociale rigoureuse suppose des réformes de fond souvent douloureuses et généralement impopulaires. Elles n’en ont pas moins vocation à remettre sur les rails une économie en panne de croissance et à favoriser une redistribution de la richesse plus efficace.
Parmi les réformes qui attendent depuis des décennies, celle de l’enseignement. Une véritable plaie pour le pays, qu’aucun ministre, de quelque bord que ce soit, n’a réussi à guérir. A quoi bon élaborer des stratégies sectorielles ambitieuses si nous ne disposons pas des ressources humaines formées pour les mener à bien ?
Autre réforme qui ressort à chaque flambée des cours des produits de base, celle de la Caisse de compensation. Ni le gouvernement El Youssoufi ni celui de Jettou, et encore moins l’équipe El Fassi, n’ont eu le courage de s’y attaquer. Pourtant, les études ont été réalisées et les solutions sont connues.
Mais pour la mise en œuvre, il faudra encore attendre. Attendre le prochain gouvernement qui sera formé après les élections 2012, ou probablement le suivant. Entre-temps, l’Etat continuera à subventionner des produits qui profitent davantage aux riches qu’aux plus démunis.
Mais la véritable bombe à retardement provient du système de retraite et de son déficit abyssal qu’il va bien falloir financer. D’une étude actuarielle à l’autre, les recommandations se suivent et se ressemblent, qui sont débattues au sein de la commission technique avant d’atterrir à la commission nationale, elle-même présidée par le Premier ministre. Et là … plus rien !
Autant d’impéritie laisse le citoyen incrédule. Un citoyen qui est en droit de s’interroger sur la responsabilité réelle de nos hommes politiques. Sont-ils élus ou nommés pour parer désespérément au plus urgent et minimiser les risques d’explosion sociale ?
Ou bien sont-ils là pour arrimer le pays au train de la modernisation, en ayant le courage de s’attaquer à ces réformes structurelles auxquelles le Maroc ne peut échapper ? Ce serait rendre un bien mauvais service à la rue et à l’avenir même de ceux qui expriment leur inquiétude au gré des mouvements et manifestations que de ne pas répondre à cette question. Une réponse qui engage l’avenir des générations futures.
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