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Cour des comptes  Royal Air Maroc sur la sellette
actuel n°135, vendredi 30 mars 2012
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Tout y passe : avantages abusifs et injustifiĂ©s, gestion approximative de la flotte et du carburant, abandon de chantiers coĂ»teux
 A la lecture du diagnostic des magistrats, l’on comprend l’état dĂ©plorable de la compagnie.


 

Le rapport de la Cour des comptes 2010 ne pouvait pas mieux tomber. Encore une fois, le timing sert l’équipe Benkirane et le diagnostic de l’équipe de Midaoui conforte le gouvernement dans sa volontĂ© de moraliser la vie publique, de rationaliser la gestion des Ă©tablissements publics
 Et les magistrats de la Cour n’y vont pas de main morte, dĂ©nonçant les gabegies et la gestion calamiteuse des entreprises publiques. Sans surprise et au regard de sa situation financiĂšre calamiteuse, c’est la compagnie nationale du transport aĂ©rien, Royal Air Maroc (RAM), qui remporte la palme. Le rapport passe au crible une dĂ©cennie de gestion de la compagnie, entre 2001 et 2010, chiffres et rapports financiers Ă  l’appui. Les magistrats s’attardent sur la situation financiĂšre de RAM qui commence sa descente aux enfers en 2009 pour dĂ©gager en 2010 « des rĂ©sultats nĂ©gatifs dĂ©passant toutes les prĂ©visions», fustigent les auteurs du rapport.

 

Gratuité de transport à vie

Au-delĂ  de ce diagnostic alarmant que nul n’ignore, le rapport invoque des problĂšmes de gestion et dĂ©nonce des anomalies dans le mode de gouvernance. C’est le cas des avantages accordĂ©s « sans justification », Ă  des membres du Conseil d’administration (CA) et anciens responsables partis Ă  la retraite. Le rĂšglement interne de RAM prĂ©voit des primes sous forme d’indemnitĂ©s kilomĂ©triques en faveur des membres de son CA. « Mais cela est en totale contradiction avec les dispositions de deux circulaires du Premier ministre, datant de mai  et septembre 1999, qui interdisent l’octroi d’avantages, que ce soit en nature ou en espĂšces, aux membres des CA des Ă©tablissements et entreprises publics », soutient le rapport. Sont Ă©galement dĂ©noncĂ©es l’octroi de la gratuitĂ© de transport aux hauts cadres de RAM (prĂ©sidents, DGA et leurs familles) durant toute leur vie.

Mais c’est dans le mode de gestion de la flotte que le management de la compagnie fait preuve d’un amateurisme consternant.

Le rapport critique Ă  la fois la composition de la flotte aĂ©rienne, son mode d’acquisition et son exploitation. Plusieurs dĂ©faillances relatives Ă  la pertinence de l’investissement, Ă  l’exploitation et la cession d’avions sont relevĂ©es. Une grande partie de la flotte, soit 24 appareils, a Ă©tĂ© acquise dans le cadre du programme d’investissement 2002-2012.

 

HypothÚse de croissance erronée

Mais le plan de flotte qui a servi de base au programme souffre de plusieurs carences. D’une part, ce plan ne fait pas partie d’une vision stratĂ©gique claire qui prĂ©cise les choix de dĂ©veloppement de l’entreprise et prend en compte l’évolution du transport aĂ©rien au cours de la pĂ©riode considĂ©rĂ©e. D’autre part, ce plan a Ă©tĂ© Ă©laborĂ© dans son intĂ©gralitĂ© par les services internes de RAM. Or, la complexitĂ© de la tĂąche exigeait un accompagnement externe par des experts pour un rĂ©sultat plus pertinent. Par ailleurs, ce plan qui s’étale sur une longue durĂ©e (10 ans) s’est basĂ© sur l’hypothĂšse de croissance de 6% du trafic aĂ©rien, une donnĂ©e mondiale, au lieu de se fonder sur la dynamique locale. Egalement, le plan a retenu une logique d’acquisition et occultĂ© la possibilitĂ© de location qui permet plus de souplesse, notamment en pĂ©riode de crise. Les magistrats dĂ©noncent une multitude d’anomalies dans l’exĂ©cution de ce plan. Parmi les plus saillantes, une incohĂ©rence flagrante entre les ordonnances du plan et sa concrĂ©tisation. Ainsi, en 2010, RAM prĂ©sente un appel d’offres aux constructeurs Boeing et Airbus, pour l’acquisition de 20 appareils moyen-courrier et 4 appareils long-courrier. Cet appel d’offres s’est soldĂ© par la signature du contrat d’achat avec Boeing. Mais, la Cour des comptes relĂšve qu’à cĂŽtĂ©, RAM a acquis 4 autres appareils Airbus (A321). Pourtant, Airbus n’a pas Ă©tĂ© retenu Ă  l’issue de l’appel d’offres et la commande ne correspond pas aux dĂ©cisions arrĂȘtĂ©es par le plan d’investissement. ParallĂšlement, RAM a poursuivi l’augmentation de sa flotte, en dehors du plan flotte, en procĂ©dant au rachat « ferme » de 14 appareils dont 4 Ă  exploiter dĂ©but 2011, et Ă  la location de 12 autres appareils dont 9 seront utilisĂ©s pendant la mĂȘme pĂ©riode. Toutes ces acquisitions ont eu pour consĂ©quence d’alourdir davantage ses engagements financiers.

 

Plan de sauvetage

Au total, RAM a rĂ©ceptionnĂ© 32 avions entre 2002 et 2010, alors qu’elle n’avait besoin que de 20 unitĂ©s. Par ailleurs, l’analyse de la composition de sa flotte rĂ©vĂšle une « grande hĂ©tĂ©rogĂ©nĂ©ité » aggravĂ©e depuis 2004, suite Ă  l’intĂ©gration des appareils Airbus. Plus grave, l’exploitation de ces derniers est restĂ©e trĂšs limitĂ©e par rapport aux objectifs tracĂ©s lors de leur acquisition. Pour rectifier le tir, RAM dĂ©cide, suite Ă  une Ă©tude en 2006, de se sĂ©parer de ces 4 appareils malgrĂ© leur jeune Ăąge (3,5 ans en moyenne). Sauf que la vente, (un appel d’offres a Ă©tĂ© lancĂ© en 2007), aurait occasionnĂ© une perte de 226,9 millions de dirhams. A laquelle il faut ajouter le coĂ»t de rachat des crĂ©dits contractĂ©s pour le financement de ces appareils. Mais comme l’appel d’offres n’a suscitĂ© aucun intĂ©rĂȘt, l’option de vente a Ă©tĂ© Ă©cartĂ©e et remplacĂ©e par celle d’une location longue durĂ©e. Malheureusement jusqu’à fin 2010, cette possibilitĂ© n’a pu ĂȘtre concrĂ©tisĂ©e et RAM a dĂ» se rĂ©signer Ă  garder ses appareils en dĂ©pit de leur rendement insuffisant. La mise en Ɠuvre en 2011 du plan de sauvetage de RAM, qui a bĂ©nĂ©ficiĂ© d’une large mĂ©diatisation, se rĂ©vĂšle un peu tardive. Et l’on se demande, Ă  la lumiĂšre du rapport de Midaoui, si les mesures adoptĂ©es dans l’urgence suffiront Ă  sauver la compagnie du crash.

Khadija El Hassani



 

FlorilĂšge de gabegies

 

‱ Financement de 22 voitures personnelles de hauts cadres depuis 2005. Parmi eux, des DG, reprĂ©sentants et directeurs. RAM rĂšgle tous les frais, traites de location, carburant, maintenance, assurance, vignette.

 

‱ Abandon d’un projet de construction d’un hangar pour avions qui s’est soldĂ© par une perte de 9,5 millions de dollars.

 

‱ Abandon du projet de construction d’un centre d’estivage Ă  Marrakech aprĂšs avoir dĂ©boursĂ© 2,5 millions de dirhams (honoraires du maĂźtre d’ouvrage), 135 000 dirhams (concours d’architecture), sans compter le coĂ»t du terrain. Le projet a Ă©tĂ© Ă©cartĂ© faute d’une Ă©tude de faisabilitĂ© adĂ©quate.

 

‱ Abandon du projet immobilier Logeram d’un montant global de 88 millions de dirhams avant son parachùvement.

 

‱ Suspension de la deuxiĂšme tranche du projet de logement social « Tariq El Jadida ». La premiĂšre tranche aura coĂ»tĂ© 8,6 millions de dirhams.

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