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Coup d’Etat :  Skhirat, L’histoire du putsch revue et corrigĂ©e
actuel n°115, vendredi 4 novembre 2011
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Le carnage du 10 juillet 1971 ne s’est pas limitĂ© Ă  Skhirat. Mohamed Ababou, le frĂšre du putschiste fĂ©lon, et ses compagnons ont aussi disparu dans d’étranges circonstances...

Quarante ans aprĂšs les faits, l’avocat de la famille Ababou vient de dĂ©poser une plainte.


***

Quel intĂ©rĂȘt avait Hassan II Ă  faire kidnapper Mohamed Ababou Ă  la prison de KĂ©nitra ? Qui a ordonnĂ© son enlĂšvement avant de le ballotter d’un centre secret Ă  un bagne militaire, du sinistre PF3 au redoutable Dar Mokri ? Qu’est-il advenu rĂ©ellement du numĂ©ro deux du putsch de Skhirat ?

Autant de questions lancinantes auxquelles la famille Ababou, ses fils en premier, Abdellatif qui vit à MeknÚs, et Abdelghani, enseignant universitaire aux Pays-Bas, et ses deux filles, tentent de recevoir des réponses qui permettraient de retrouver le corps (ou du moins les restes) de Mohamed Ababou.

Pour Mustapha El Manouzi, qui ne dĂ©sespĂšre pas de faire parler la grande muette, la clĂ© de la disparition de Mohamed Ababou se trouve dans les dossiers noirs de l’armĂ©e et dans les archives secrĂštes de l’IER qui n’ont pas Ă©tĂ© rendues publiques.

L’avocat des Ababou et (ex)-prĂ©sident du Forum justice et vĂ©ritĂ©, lui-mĂȘme ancien prisonnier politique, vient de dĂ©poser une plainte au niveau de la cour d’appel de Rabat. « Nous n’avons pas grand espoir d’avoir une rĂ©ponse ferme mais une fois les recours judiciaires locaux Ă©puisĂ©s, cette plainte nous permettra de nous adresser Ă  la justice internationale. »

Une disparition mystérieuse

Les seules informations dont on dispose aujourd’hui, c’est que Mohamed Ababou a Ă©tĂ© condamnĂ© Ă  vingt ans de rĂ©clusion lors du procĂšs Ă  KĂ©nitra, suite Ă  la tentative de coup d’Etat de Skhirat.

Ensuite, il a Ă©tĂ© enlevĂ© le 7 aoĂ»t 1973 de la prison militaire de KĂ©nitra en compagnie de l’adjudant Akka, et des officiers Chellat et Mzireg. GardĂ©s au secret Ă  Dar El Mokri et ensuite au PF3, Ababou et ses compagnons vont ĂȘtre soumis Ă  un simulacre d’évasion en 1975 avant de disparaĂźtre dĂ©finitivement.

Notre enquĂȘte auprĂšs de personnes qui, par leurs fonctions de l’époque ont eu accĂšs Ă  des informations de premiĂšre main, tend Ă  crĂ©diter la thĂšse selon laquelle Oufkir, dans sa prĂ©cipitation Ă  Ă©liminer une partie de ses compagnons d’armes impliquĂ©s dans le complot et qui pouvaient Ă  tout moment craquer et rĂ©vĂ©ler son implication, aurait liquidĂ© le colonel et ses adjoints.

Oufkir avait toute latitude pour le faire taire d’autant plus qu’au lendemain du putsch, ne doutant guĂšre de sa trahison, Hassan va le nommer commandant en chef de l’armĂ©e et ministre de la DĂ©fense. ProclamĂ© gardien dĂ©vouĂ© du trĂŽne, Oufkir fait le vide autour du roi.

A ce poste, le cruel gĂ©nĂ©ral finit de renforcer ses services secrets et donne ainsi toutes les garanties aux Français, Britanniques et IsraĂ©liens qu’il a la situation en main, sachant que le gĂ©nĂ©ral avait des relations intimes avec le patron du SDECE, celui du MI 5 britannique et le Mossad israĂ©lien. Ces derniers, au courant des dĂ©tails du coup d’Etat, avaient tout autant intĂ©rĂȘt que lui Ă  ce que la vĂ©ritĂ© n’éclate jamais.

« J’ai appris Ă  quel point Oufkir Ă©tait liĂ© aux divers services secrets occidentaux : CIA, SDECE ou renseignements espagnols. Mais il ne se comportait ni comme un informateur ni comme un honorable correspondant. Non, il discutait Ă  Ă©galitĂ© et on le respectait », explique Gonzalez Mata dans un ouvrage parfaitement documentĂ©, Le Cygne, MĂ©moires d’un agent secret (Grasset, 1976).

PremiĂšre observation d’importance : le coup d’Etat de 1971, puis le bombardement de l’avion royal de 1972, sont d’une affreuse banalitĂ©. Comme tous les putschs, ils sont marquĂ©s par l’ambition dĂ©vorante d’officiers affectĂ©s par le syndrome du vizir qui veut devenir calife Ă  la place du calife.

Kadhafi avait rĂ©ussi son coup, Anouar El-Sadate aussi, Oufkir ne dĂ©rogeait pas Ă  la rĂšgle. MalgrĂ© toutes les lĂ©gendes brodĂ©es autour de cette histoire, et s’il a choisi les frĂšres Ababou pour mettre Ă  exĂ©cution son plan diabolique, c’est que l’homme partageait bien la soif de pouvoir des deux frĂšres.

« Tu dois ĂȘtre riche pour imposer ta volontĂ©. La fortune te donne pouvoir et distinction et te permet d’obtenir ce que tu veux. » Ces paroles de M’Hamed Ababou, rapportĂ©es par Mohamed Raiss, dans Un aller-retour pour l’enfer (en librairie depuis 2003), en disent long sur les vĂ©ritables motivations de la plupart des putschistes, Ă  l’exception peut-ĂȘtre du gĂ©nĂ©ral Medbouh qui pensait rĂ©ellement agir pour le bien de la nation.

Le frĂšre de M’Hamed, Mohamed, l’aĂźnĂ© des fils du cheikh Ababou Mohamed Benmassaoud, Ă©tait aussi pressĂ© d’en finir que le cadet. Les deux frĂšres avaient Ă©tĂ© promus au grade de lieutenant colonel en mars 1971.

Alors que M’Hamed Ababou rĂ©gnait en maĂźtre sur l’école militaire d’Ahermoumou, son frĂšre Mohamed siĂ©geait Ă  la direction de l’école d’état-major de KĂ©nitra. L’aĂźnĂ© avait une admiration sans bornes pour le cadet qui l’a convaincu de participer au putsch. Le rĂŽle de Mohamed n’est pas clair mais il Ă©tait au courant de toutes les tentatives organisĂ©es par son frĂšre et il a aussi participĂ© Ă  l’attaque de Skhirat.

Selon des tĂ©moignages de l’époque, les Ababou partageaient avec Oufkir la haine du Fassi et celle des BerbĂšres de l’Atlas, considĂ©rĂ©s comme des traĂźtres en raison de leur alliance avec Hassan II, mariĂ© Ă  la fille des Amahzoune.

François PĂ©dron, un journaliste de Paris Match rapporte dans un excellent ouvrage sur le putsch (Lire extraits d’Echec au roi, page 20) que « Daoudi n’a pas Ă©tĂ© le seul Ă  Ă©voquer (trĂšs rapidement) la scĂšne ; l’adjudant-chef Dik Jilali (Brigade spĂ©ciale) prĂ©cise la tirade de M’Hamed Ababou : Nous avons Ă©liminĂ© tous les traĂźtres y compris les gouvernants chevelus, et, d’aprĂšs le caporal Boukhibat (qui Ă©tait de garde Ă  l’état-major, mais qui s’est ‘‘rallié’’ aprĂšs l’arrivĂ©e des gĂ©nĂ©raux), Ababou aurait insisté : Nous avons Ă©liminĂ© les traĂźtres et les apĂŽtres d’Ahardane.

L’éventail politique d’Ababou est maintenant complet. Il s’en est pris Ă  l’Istiqlal (Allal El Fassi), au Mouvement populaire (Dr Khatib, Mahjoubi Ahardane) et aux ministres non ‘‘politiques’’ qui forment depuis 1965 l’essentiel des diffĂ©rents ministĂšres ».

Avant Skhirat, Ababou et ses complices avaient dĂ©jĂ  planifiĂ© Ă  deux reprises de renverser Hassan II. La premiĂšre fois en 1968, mais on connaĂźt trĂšs peu de dĂ©tails sur cette tentative, alors que celle du 13 mai 1971 a failli rĂ©ussir si ce n’était la baraka de Hassan II qui, au dernier moment, change d’itinĂ©raire pour se rendre Ă  El Hajeb afin d’assister aux manƓuvres des corps d’élite de Ahermoumou conduits par le lieutenant colonel M’Hamed Ababou.

« Nous Ă©tions au courant de la tentative de Ababou mais personne ne pouvait piper mot au risque de se retrouver six pieds sous terre », nous explique Farid Belmejdoub, l’un des membres de ce commando d’élite.

Le massacre de Skhirat

Preuve que l’homme Ă©tait pressĂ© d’en finir avec Hassan II Ă  qui il vouait une haine incommensurable. M’Hamed Ababou allait Ă  peine deux mois aprĂšs, soit le samedi 10 juillet 1971, plonger le tout Skhirat dans l’horreur.

Alors que Hassan II fĂȘtait avec le faste qui lui Ă©tait familier ses 42 ans, en compagnie de la jet-set internationale, le lieutenant colonel M’Hamed Ababou surgit, quelques heures avant le dĂ©jeuner, Ă  la tĂȘte de ses cadets d’Ahermoumou : 600 hommes qui se dĂ©chaĂźnent sur les sept cents invitĂ©s.

Beaucoup de ces jeunes soldats n’ont pas trĂšs bien compris ce qu’ils venaient faire lĂ . Ils partaient, leur a-t-on dit, « en manƓuvres ». Pris sous le feu des mitraillettes qui tirent Ă  l’aveuglette, les personnalitĂ©s sont sous le choc.

Des invitĂ©s sont tuĂ©s sur le coup et ceux qui fuient sont tirĂ©s comme des lapins. Une fois convaincu qu’il s’agit bien d’un attentat, le roi va quitter tranquillement sa table en lançant quelques paroles d’apaisement aux rares personnes encore prĂ©sentes avant de se rĂ©fugier dans un vestiaire, avec quelques invitĂ©s.

Le chef de la maison militaire, le gĂ©nĂ©ral Medbouh, que l’on soupçonne d’ĂȘtre la vĂ©ritable courroie de transmission entre Oufkir et les Ababou, va mettre Hassan II Ă  l’abri de la fougue des mutins en attendant de le pousser Ă  abdiquer.

Selon toute vraisemblance, cet officier rifain qui a servi comme Oufkir en Indochine, jouissant d’une rĂ©putation d’honnĂȘtetĂ© irrĂ©prochable mais Ă©cƓurĂ© par la corruption de la classe politique, a fini par accepter de planifier l’affaire de Skhirat.

Ce qui ne l’empĂȘchera pas d’ĂȘtre froidement abattu par M’Hamed Ababou, sous prĂ©texte de trahison. La mort de Medbouh dĂ©soriente les putschistes. Le gros des mutins roule alors en direction de Rabat, Ababou en tĂȘte, pour occuper quelques bĂątiments : l’état-major, l’IntĂ©rieur, et la RTM qui n’aura pas le temps de proclamer la « rĂ©publique ».

La rĂ©publique Ă©phĂ©mĂšre s’évapore avec la mort de M’Hamed Ababou, exĂ©cutĂ© sur le perron de la radio. Son frĂšre, Mohamed, est arrĂȘtĂ© dans la foulĂ©e. A Skhirat, quelques dizaines de jeunes soldats, dĂ©boussolĂ©s et abattus par autant de violence, retrouveront le roi vers 16h45. Ils crient « Yahia el Malik ! » (Vive le roi), lui baisent la main, avant qu’il ne les invite dans un geste d’apaisement Ă  rĂ©citer avec lui la fameuse premiĂšre sourate du Coran : « Au nom de Dieu le ClĂ©ment, le MisĂ©ricordieux  »

Une heure aprĂšs, Hassan II a dĂ©jĂ  repris les choses en main. Il ne faudra pas plus d’une journĂ©e Ă  la Brigade lĂ©gĂšre de sĂ©curitĂ©, commandĂ©e par le colonel Assari, pour liquider les derniers mutins dispersĂ©s dans la banlieue de Rabat.

Le roi donne pleins pouvoirs Ă  Oufkir pour nettoyer la place. Il ne se fait pas prier, les arrestations en masse touchent aussi bien les soldats que les officiers, y compris Mohamed Ababou.

En termes d’enquĂȘte, les interrogatoires musclĂ©s dĂ©bouchent sur des condamnations sans appel. Le 13 juillet, dix poteaux d’exĂ©cution sont dressĂ©s dans le champ de tir d’El-Menzel . « On nous a prĂ©venus la veille qu’il fallait sĂ©curiser la zone », se souvient le commandant en chef des Forces auxiliaires de KĂ©nitra.

Le roi, qui a ordonnĂ© la diffusion par la tĂ©lĂ©vision nationale de l’exĂ©cution des officiers putschistes, invitera le gĂ©nĂ©ral Oufkir Ă  assister Ă  la mort de ses vieux camarades de combat.

Treize mois plus tard, le 16 aoĂ»t 1972, Oufkir envoie trois chasseurs F5 Ă  la poursuite du Boeing du roi, avec la consigne d’abattre l’avion royal.  Quelques jours aprĂšs, Oufkir, « suicidé » avec trois balles dans le dos, est remplacĂ© par Ahmed Dlimi. Ironie du sort, c’est le mĂȘme Dlimi qui va mourir « écrasé » par un camion Ă  Marrakech. Ou plus vraisemblablement victime d’un guet-apens.

Abdellatif El Azizi

Billet : Basta !

La cĂ©lĂšbre remarque du grand historien Marc Bloch n’aura jamais Ă©tĂ© autant d’actualité : « L’incomprĂ©hension du prĂ©sent, Ă©crivait-il, naĂźt fatalement de l’ignorance du passĂ©. » Soit, mieux vaut donc essayer de comprendre pourquoi autant de coups d’Etat se sont subitement transformĂ©s en une chasse Ă  l’homme qui s’est Ă©tendue aux militants de la gauche.

Pour en prendre la mesure, il faut d’abord rappeler que Skhirat n’est que la partie visible de l’iceberg et que les tentatives de putschs Ă©touffĂ©es dans l’Ɠuf s’inscrivent dans une pĂ©riode singuliĂšre de l’histoire du Maroc. Hassan II, qui dormait le revolver au poing, en savait quelque chose.

Or les crises ne sont jamais seulement politiques, elles sont aussi le miroir des sociĂ©tĂ©s et des hommes qui les font. Comment oser, aujourd’hui, disserter sur « les crimes » de Hassan II et accabler les dĂ©faillances du Makhzen pour impressionner le badaud sans prendre en compte les turpitudes de ces mĂȘmes officiers supĂ©rieurs qui nous promettaient le grand soir, la complicitĂ© des Ă©lites dont une grande partie de la gauche, et le coup de main discret des services occidentaux ?

Quels mĂ©canismes de rĂ©gulation politique auraient pu empĂȘcher Hassan II de sombrer dans la rĂ©pression et d’éviter la guerre farouche qu’il a menĂ©e envers une partie de l’opposition ?

Ce n’est pas uniquement cette pĂ©riode noire de l’histoire du Royaume qu’il faudrait aujourd’hui faire passer Ă  la barre, mais toute une classe d’hommes politiques, affairistes en puissance dont certains ont encore le culot de lorgner sur l’aprĂšs-25 novembre
 !

Les annĂ©es de plomb, leurs leçons en trompe-l’Ɠil ne sont plus l’alpha et l’omĂ©ga de l’histoire du Royaume. L’émancipation des peuples est Ă©galement liĂ©e Ă  leur Ă©mancipation d’une certaine version de l’histoire.

Les printemps arabes apportent une nouvelle lecture. Celle qui consiste Ă  sortir les cadavres des placards dĂšs que des intĂ©rĂȘts Ă©troits sont menacĂ©s a fait son temps. Personne ne peut dĂ©nier aux familles le droit Ă  la vĂ©ritĂ© et celui de faire le deuil de leurs disparus, mais on ne peut rester indĂ©finiment otage de ces ombres du passĂ© agitĂ©es par des intrigues de nomenklatura. A.E.A.


Disparus VIP

Ils sont encore quelques dizaines de disparus dont le sort n’a pas Ă©tĂ© Ă©lucidĂ© mais ils ne sont pas aussi cĂ©lĂšbres que ces « VIP » des annĂ©es de plomb.

Houcine El Manouzi 

Au nom de la famille

Difficile de croire que ce jeune garçon imberbe reprĂ©sentait un vĂ©ritable danger pour l’ordre Ă©tabli. Pourtant Houcine El Manouzi restera dans les mĂ©moires comme un brillant syndicaliste qui a marquĂ© l’histoire de l’UNFP. L’un des fondateurs de la chabiba du parti fut Ă©galement l’un des partisans de l’aile dure de la gauche de l’époque.

Un CV politique idĂ©al pour faire de ce mĂ©canicien d’avion, un abonnĂ© des geĂŽles de Hassan II. Les services marocains qui suivent Houcine El Manouzi Ă  la trace depuis sa tendre jeunesse se mĂ©fie de cet anarchiste qui a vu la moitiĂ© de sa famille passer par la case prison : Moujahid Kacem El Manouzi, mort sous la torture Ă  Derb Moulay ChĂ©rif, en septembre 1970, et dont le cadavre n’a jamais Ă©tĂ© rendu Ă  la famille ; le docteur Omar El Manouzi, qui a sombrĂ© dans  la folie sous le choc de la torture ; et bien d’autres, soit pas moins de 18 membres de la famille El Manouzi !

Le commandant Brahim El Manouzi, victime d’une exĂ©cution extra-judiciaire, sur ordre du gĂ©nĂ©ral Oufkir, le 13 juillet 1971, et dont le corps n’a jamais Ă©tĂ© restituĂ© Ă  la famille, va sonner le glas de Houcine El Manouzi, qui va disparaĂźtre dans des conditions obscures le 29 octobre 1972.

Ironie du sort, alors que le jeune homme est au secret, Ă  Marrakech, il est condamnĂ© Ă  mort – par contumace – pour atteinte Ă  la sĂ»retĂ© de l’État. Depuis, l’histoire retiendra des bribes de son passage Ă  Derb Moulay ChĂ©rif, ou encore dans d’autres centres secrets comme le fameux PF3 de Rabat (les Points fixes sont des centres de torture et de dĂ©tention secrĂšte gĂ©rĂ©s par la police politique, ndlr).

En 1994, la DST conseille Ă  la famille d’éviter toute dĂ©claration dans la presse pour ne pas compromettre le retour de Houcine qui est encore en vie. Le 16 aoĂ»t 2001, ses parents reçoivent des mains de Dahak, alors prĂ©sident du CCDH, un certificat de dĂ©cĂšs, ne portant aucun cachet et datant le dĂ©cĂšs au 17 juillet 1975, alors que plusieurs amis et codĂ©tenus affirment avoir vu Houcine, quelques annĂ©es plus tard. Aujourd’hui, il est pratiquement certain qu’El Manouzi a succombĂ© Ă  la torture mais oĂč ? C’est ce que tentent inlassablement de savoir ses parents.

 

Ben Barka

La star des disparus

Le 29 octobre de cette annĂ©e n’a pas dĂ©rogĂ© Ă  la tradition. Pour commĂ©morer le 46e anniversaire de la disparition de Mehdi Ben Barka, un rassemblement a Ă©tĂ© organisĂ© face Ă  la brasserie Lipp Ă  Paris par l’Institut Mehdi Ben Barka.

C’est lĂ , en plein cƓur de Paris, qu’avait eu lieu le kidnapping de Mehdi Ben Barka. Depuis, on ne sait pas grand-chose sur sa disparition. Ce farouche opposant au roi Hassan II, dont il a Ă©tĂ© le professeur au CollĂšge royal de Rabat, avait fondĂ© en 1959 l’Union nationale des forces populaires (UNFP), l’ancĂȘtre de l’USFP.

A la mort de Mohammed V, la jalousie qui existait entre Hassan II et son professeur de mathĂ©matiques va se transformer en haine politique. L’arrivĂ©e de Hassan II au pouvoir contraint l’homme Ă  s’exiler en France.

RĂ©el besoin de faire la paix ou simple calcul politique, Hassan II multiplie les signes d’apaisement vers son principal opposant. En mai 1962, Ben Barka dĂ©cide alors de revenir au Maroc oĂč il Ă©chappe de justesse Ă  un curieux accident de voiture organisĂ© par le gĂ©nĂ©ral Oufkir, alors ministre marocain de l’IntĂ©rieur, et le colonel Dlimi, Ă  l’époque directeur de la SĂ»retĂ© marocaine.

En juin 1963, Ben Barka est accusĂ© de complot contre la monarchie et s’exile de nouveau en France avant d’ĂȘtre jugĂ© par contumace pour complot et tentative d’assassinat contre le roi. Le 29 octobre 1965, Mehdi Ben Barka est kidnappĂ© par deux policiers français sur le boulevard Saint-Germain, devant la brasserie Lipp. Il disparaĂźtra Ă  jamais.

 

Michel Lahrizi, l’intello de la gauche

Kidnappé, torturé par les milices de Dlimi, et disparu en décembre 1959 avec sa femme suisse et sa fillette dans des conditions rocambolesques, Michel Lahrizi, de son vrai nom Mohamed Ben Jilali, est un intellectuel proche de Mehdi Ben Barka.

Il avait été approché par les services du cab 1 qui voulaient le faire témoigner contre Mehdi Ben Barka dans un procÚs préfabriqué accusant ce dernier de complot contre le prince héritier.

Quelques jours aprĂšs l’arrestation de FquihBasri et de AbderrahmanYoussoufi dans le cadre d’une vaste campagne de rĂ©pression contre les militants de l’UNFP, l’homme avait Ă©tĂ© transfĂ©rĂ© en compagnie de sa petite famille dans le secret total au camp de Moulay IsmaĂŻl Ă  Rabat. La mĂšre d’Erika, la femme de Lahrizi, avait Ă  l’époque saisi la justice helvĂ©tique.

Devant l’insistance des Suisses, Oufkir demande Ă  Dlimi de fomenter une pseudo-Ă©vasion pour faire croire que Lahrizi a quittĂ© le Maroc en passant par Tanger. MalgrĂ© le mandat de recherche lancĂ© par la police helvĂ©tique, les autoritĂ©s marocaines de l’époque nieront toujours leur implication dans sa disparition.

L’affaire fera pourtant l’objet d’un article dans La Tribune de GenĂšve, le 18 octobre 1976. Dans cette enquĂȘte, un adjoint de Dlimi, alors directeur de la SĂ»retĂ© nationale, livre des confidences sur l’affaire Lahrizi. M. Skiredj qui fut pendant cinq ans l’adjoint d’Oufkir, explique comment Lahrizi a Ă©tĂ© arrĂȘtĂ© puis torturĂ© pour « avouer » le complot prĂ©sumĂ© de Ben Barka.

Il en explique en dĂ©tail les raisons : « AprĂšs la mort de Mohammed V, le gĂ©nĂ©ral Oufkir, qui n’était pas encore ministre, devint notre chef avec Dlimi comme adjoint direct. J’étais alors l’un des responsables des services spĂ©ciaux et notre tĂąche consistait Ă  lutter contre la subversion, c’est-Ă -dire essentiellement contre l’Union nationale des forces populaires et la gauche en gĂ©nĂ©ral. »

Aujourd’hui, les deux frĂšres de Lahrizi, qui ont bĂ©nĂ©ficiĂ© d’une indemnitĂ© dĂ©risoire, se sont pratiquement rĂ©signĂ©s Ă  ne pas en savoir plus sur le sort de leur proche et de sa petite famille. « Nous avions frappĂ© Ă  toutes les portes, il y a deux ans de cela, nous avions reçu une correspondances du dĂ©funt CCDH pour nous expliquer qu’il reconnaissait la disparition de Mohamed. » Mais encore ?

A.E.A.


Echec au roi

Quelques extraits du livre Echec au Roi de François Pédron, paru aux éditions de la Table Ronde (septembre 1972)

« JE SUIS SOLIDAIRE DES PEUPLES ET NON DES REGIMES. JE SUIS SOLIDAIRE DES MONARQUES QUI REUSSISSENT. SI UNE MONARCHIE TOMBE, C’EST QU’ELLE A FAIT SON TEMPS OU QU’ELLE LE MERITE. TOUT LE MONDE PREVOYAIT DEPUIS LONGTEMPS LES EVENEMENTS DE LIBYE, COMME JADIS ON PREVOYAIT LA CHUTE DU ROI FAROUK EN EGYPTE. SI JAMAIS CELA M’ARRIVAIT, C’EST QUE JE L’AURAIS MERITE  »

Hassan II Ă  Jean Daniel dans le Nouvel Observateur du 6 juillet 1970

La conspiration

[...] Le 7 juillet 1970, les deux frĂšres, Mohamed et M’Hamed Ababou regagnent Rabat. M’Hamed avait bien revu le gĂ©nĂ©ral Medbouh et l’opĂ©ration Ă©tait arrĂȘtĂ©e. La rĂ©ception offerte par le roi constituait une occasion exceptionnelle.

 

Ababou avait exposĂ© son plan au gĂ©nĂ©ral ; s’emparer des Ă©difices publics les plus importants de la capitale tandis que le gros des forces d’Ahermoumou investirait le palais de Skhirat. Medbouh l’avait congĂ©diĂ© en lui rappelant qu’on ne devait tirer qu’en cas d’extrĂȘme nĂ©cessitĂ©. [...]

 

Le festin du roi

[...] Insensiblement, le gros des invitĂ©s se repliait sur la tente Ă  champagne, le seul endroit du palais oĂč l’on puisse trouver des alcools car on n’en sert pas dans l’enceinte proprement dite du palais, pour des raisons d’orthodoxie religieuse : le palais c’est la demeure de l’« émir al Mouminine » (Commandeur des Croyants) : on ne peut donc y trouver ce que dĂ©fend expressĂ©ment le ProphĂšte.

Mais pour satisfaire les lois tout aussi sacrĂ©es de l’hospitalitĂ© sans priver les hĂŽtes incroyants de leurs breuvages favoris, on a installĂ© une source Ă©thylique alimentĂ©e sans dĂ©faillance par du Dom PĂ©rignon et du Black Label.

On y regardait les joueurs de golf ; d’autres faisaient des colonnes instables avec les bouteilles qu’ils venaient de vider et qui refusaient obstinĂ©ment toute verticalisation ! Des serviteurs faisaient passer sans arrĂȘt des plateaux ‘‘d’amuse-gueule’’ qui permettront d’attendre le repas. [...]

 

Opération RP

[...] L’ambassadeur de France, qui voulait absolument profiter de la journĂ©e pour rĂ©gler avant le 14 juillet une affaire en suspens, cherchait Mohamed Karim Lamrani, ministre des Finances, qui Ă©tait en train de s’installer au buffet situĂ© entre la piscine et les cabines de bain.

Ce dernier lui demande de chercher Mohamed Medeghi (ou M’Daghi), son secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral, qui surveillait la cuisson de ses brochettes. L’ambassadeur l’amĂšne auprĂšs de son ministre et en dix minutes l’affaire est rĂ©glĂ©e.

Trois jours plus tard, M’Daghi remerciera M. Lebel de lui avoir sauvĂ© la vie en l’écartant ainsi des barbecues situĂ©s dans l’axe de la grande porte, c’est lĂ  que les tirs avaient Ă©tĂ© les plus meurtriers.

Les deux hommes avaient philosophĂ© d’un ton badin sur le hasard. Le 30 aoĂ»t, M’Daghi, devenu sous-secrĂ©taire d’Etat aux Finances et, Ă  trente-trois ans, l’un des benjamins de la nouvelle Ă©quipe ministĂ©rielle, se tuait dans un accident de voiture sur la route d’El Hajeb.

SitĂŽt l’entretien terminĂ©, M. Claude Lebel, qui a vu M. Louis Joxe vers la tente royale, va vĂ©rifier si l’ancien ministre est bien Ă  la table du prince Moulay Abdallah, comme prĂ©vu. [...]

 

Le roi est vivant !

[...] Ils avaient Ă©tĂ© des dizaines Ă  voir le roi disparaĂźtre encadrĂ© par quatre soldats. Puis, aprĂšs un temps trĂšs court, moins de cinq minutes certainement, le roi revenait. Les soldats Ă©taient encore autour de lui. Mais ils ne l’encadraient plus comme on bloque un prisonnier, ils l’escortaient. C’était exactement l’impression qu’ils donnaient, une escorte.

RĂ©duite, mais diffĂ©rente maintenant, certains lui baisaient la main. ‘‘Tout n’était  que respect, dĂ©fĂ©rence et autoritĂ©.’’

Le roi s’avançait vers l’endroit qu’il venait de quitter, d’un pas ferme, sans prĂ©cipitation, les cheveux toujours Ă©bouriffĂ©s, Ă  peine gĂȘnĂ© dans sa marche par les marques de respect que lui prodiguaient encore les soldats.

Le groupe tout entier rĂ©citait d’une voix forte que les prisonniers les plus Ă©loignĂ©s, ceux qui n’avaient pas vu le roi se lever (ni mĂȘme sortir aprĂšs 17 heures), entendaient, sans l’expliquer, une fois de plus !, cette introduction au Coran que l’on appelle la Fatiha.

PriĂšre solennelle, trĂšs courte, que le ton incantatoire et la rĂ©pĂ©tition des rĂ©citants rendaient un peu Ă©trange. Surprenante au moins : « Au nom de Dieu, clĂ©ment et misĂ©ricordieux :

Louange à Dieu, souverain de tous les mondes !

La miséricorde est son partage.

Il est le roi le jour du jugement.

Nous t’adorons, Seigneur, et nous implorons ton assistance.

Dirige-nous dans le sentier du salut,

Dans le sentier de ceux que tu as comblés de tes bienfaits.

De ceux qui n’ont point mĂ©ritĂ© ta colĂšre et se sont prĂ©servĂ©s de l’erreur. »

Le coup de thĂ©Ăątre Ă©tait d’autant plus manifeste que les tĂ©moins ne pouvaient pas mettre de lĂ©gendes Ă  cette sĂ©rie stupĂ©fiante de photos.

Le roi est emmenĂ©, cachĂ©, on tire. Le roi est mort. Le roi revient, obĂ©i, mieux qu’obĂ©i mĂȘme. Le roi est vivant
 [...]

 

Mise en garde

[...] « Nous nous adressons maintenant aux leaders politiques et aux dirigeants syndicaux en leur disant que nous n’avons rĂ©coltĂ© que le fruit de ce qu’ils ont semĂ©, Ă  force d’écrire dans leur presse et d’insinuer que le Maroc est sur la voie de l’effondrement, que la situation est mauvaise, que l’économie n’est pas saine et que la fĂ©odalitĂ© bat son plein.

Certains en sont venus à croire à ces rumeurs de sorte que ceux qui ont fait circuler ces rumeurs en sont les premiùres victimes


Cela prouve que vous ĂȘtes en train de creuser vos tombes. Si les mutins avaient pris le pouvoir, ils n’auraient pas Ă©tĂ© de votre niveau : ce ne serait pas Medbouh, Bougrine ou Hamou qui vous appelleraient pour partager avec vous le pouvoir, car vous ne les comprendriez pas et ils ne vous comprendraient pas.


 C’est pour cela que nous vous disons, vous qui façonnez l’opinion publique marocaine, soit directement par la presse, soit en faisant circuler des rumeurs, nous vous disons : prenez garde ! SI VOUS SEMEZ LE VENT, VOUS RECOLTEREZ LA TEMPETE ».

(Allocution prononcée à la suite de la conférence de presse du dimanche

11 juillet) [...]

 


 

Entretien avec Mustapha El Manouzi, président du Forum vérité et justice

« Que la lumiĂšre soit faite ! Â»

AprÚs avoir déposé sa démission du poste de président du Forum vérité et justice, Mustapha El Manouzi a dû se retracter. Il nous livre les raisons de sa volte-face et de son combat pour le rétablissement de la vérité concernant les disparus des années de plomb.

actuel : On sait aujourd’hui que le FVJ a refusĂ© votre dĂ©mission mais pourquoi avoir choisi la date du trente-neuviĂšme anniversaire de la disparition de Houcine El Manouzi, et de Ben Barka kidnappĂ© le 29 octobre 1965 ?

Mustapha El Manouzi : Effectivement, j’ai dĂ» revenir en arriĂšre Ă  cause des pressions des militants du Forum au Maroc et Ă  l’étranger mais le fait est là : nous sommes fatiguĂ©s de faire le pied de grue devant les instances concernĂ©es pour faire avancer le dossier des disparus.

L’Instance Ă©quitĂ© et rĂ©conciliation, mise en place pour faire la lumiĂšre sur les annĂ©es de plomb, a Ă©mis des recommandations mais malheureusement, beaucoup de ces injonctions n’ont jamais Ă©tĂ© suivies d’effet.

 

Vous ĂȘtes l’avocat de la famille Ababou ; que revendiquent les hĂ©ritiers de Mohamed Ababou ?

Ils veulent tout simplement connaĂźtre la vĂ©ritĂ© sur le sort de leur proche. ImpliquĂ© dans le coup d’état de Skhirat, cet officier supĂ©rieur Ă©tĂ© condamnĂ© Ă  vingt ans de rĂ©clusion lors du procĂšs de KĂ©nitra.

Jusque-lĂ , on n’a rien Ă  contester mais le problĂšme, c’est que le 7 aoĂ»t 1973, il a Ă©tĂ© enlevĂ© de la prison centrale de KĂ©nitra et transfĂ©rĂ© dans l’anonymat le plus absolu Ă  Dar El Mokri et ensuite au PF3. On veut connaĂźtre la suite, de maniĂšre Ă  permettre Ă  la famille de faire le deuil, notamment aprĂšs avoir rĂ©cupĂ©rĂ© la dĂ©pouille du colonel.

 

Vous avez intentĂ© une action en justice, quel est votre objectif rĂ©el ?

Nous avons dĂ©posĂ© une plainte au niveau du tribunal de la cour d’appel de Rabat. MĂȘme si nous n’avons pas beaucoup d’espoir de ce cĂŽtĂ©-lĂ , nous avons demandĂ© la comparution de tĂ©moins de l’époque, tels que les frĂšres Bouriqat qui Ă©taient incarcĂ©rĂ©s au PF3, dont nous avons demandĂ© la prĂ©servation officielle, pour permettre des fouilles.

D’une maniĂšre gĂ©nĂ©rale, nous sommes dĂ©cidĂ©s Ă  faire la lumiĂšre sur tous les cas de disparition dont celui de Houcine El Manouzi. La plainte en justice nous permettra dans un second temps de dĂ©poser une plainte au niveau de l’international.

 

Concernant les disparus, il existe bien une liste dĂ©taillĂ©e fournie par l’IER ?

Elle reste incomplĂšte et nous voulons avoir accĂšs aux archives secrĂštes de l’IER, celles dont Yazami a hĂ©ritĂ© de Benzekri. Cela nous permettra de connaĂźtre le sort de tous les disparus et les lieux de leur enterrement s’ils sont dĂ©cĂ©dĂ©s, d’indiquer par la suite aux familles le lieu de sĂ©pulture des victimes, de s’entourer des garanties pour la vĂ©rification de l’identitĂ© et de soutenir les dĂ©marches des familles pour l’éventuelle appropriation de la dĂ©pouille. Et enfin d’allouer les aides et le soutien nĂ©cessaires aux familles et ayants droit pour une rĂ©elle rĂ©habilitation des victimes.

 

L’IER a pourtant fait du bon travail de l’avis d’observateurs Ă©trangers neutres ; qu’est-ce qui bloque encore ?

Je pense qu’il y a encore des personnes, notamment au niveau de l’armĂ©e et au niveau des services, qui n’ont pas intĂ©rĂȘt Ă  ce que toute la vĂ©ritĂ© soit faite sur les annĂ©es de plomb. Benzekri avait d’ailleurs rĂ©vĂ©lĂ© Ă  l’époque que l’armĂ©e n’avait pas pleinement jouĂ© le jeu. Notre mission aujourd’hui est toujours d’actualitĂ© puisque plusieurs recommandations de l’IER n’ont pas Ă©tĂ© appliquĂ©es.

Beaucoup de disparitions n’ont pas encore Ă©tĂ© rĂ©solues, et beaucoup de victimes n’ont pas Ă©tĂ© indemnisĂ©es, et celles qui ont contractĂ© diverses pathologies en cours de dĂ©tention n’ont toujours pas d’assurance maladie. Sans oublier que des dossiers, comme celui des Ă©vĂ©nements de 1965 ou celui des Ă©meutes de 1981, ne sont pas Ă©lucidĂ©s non plus.

Propos recueillis par Abdellatif El Azizi

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