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Ces cliniques qui nous ruinent 
actuel n°93, vendredi 6 mai 2011
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Mauvaises conditions d’hygiène et de sécurité pour les unes, sous-équipement et sous-effectif pour les autres, et des pratiques frauduleuses presque généralisées. Les maux de nos cliniques se suivent et se multiplient. Le département de tutelle a décidé de sanctionner. Mais est-ce bien assez ?


***

Le ministère de la Santé a, enfin, décidé de réagir contre la gabegie qui règne dans le secteur des cliniques privée. Réactivant les conclusions des commissions d’enquête de 2009 qui avaient contrôlé par surprise pas moins de 84 cliniques sur un total de 350 que compte le pays, Yasmina Baddou vient d’annoncer que si les cliniques épinglées ne se conformaient pas aux normes régissant le secteur, elles seraient tout simplement fermées.

 

Et des cliniques prises en faute, il y en avait 50. Soit quelque 63% des cliniques privées visitées. Les dysfonctionnements recensés vont du mauvais accueil au sous-équipement, en passant par des conditions d’hygiène et de sécurité on ne peut plus douteuses.

Florilège : ici, pas de groupe électrogène à même de garantir la continuité des services, notamment opératoires, en cas de panne électrique ; là, absence d’une unité de réanimation ou de salle de stérilisation ; là encore, une collecte d’aiguilles usagées et autres déchets qui n’obéit à aucune procédure.

A cela s’ajoute un flagrant manque de personnel médical et, surtout, paramédical. De nombreuses cliniques ne disposent pas de réanimateurs ou d’anesthésistes à temps plein. Et encore moins d’infirmiers ou de sages femmes. La ministre avait déjà, en 2009, adressé des mises en demeure sommant les cliniques en question de se mettre à niveau dans un délai de 1 à 6 mois, pour éviter le risque de fermeture.

Mais depuis, plus rien. Au point que d’aucuns croyaient la mesure morte et enterrée. Quinze mois après, Yasmina Baddou revient à la charge. De nouvelles visites sont organisées dans les mêmes cliniques depuis quelques semaines. Avec, à quelques établissements près, les mêmes constats. Une autre vague d’inspections dans d’autres cliniques est d’ailleurs à l’ordre du jour. Et désormais, tous les établissements privés de soins seront visités, au moins une fois par an et sans avis préalable. La nouvelle a eu l’effet d’une bombe au sein de la profession. L’Association nationale des cliniques privées en conteste autant le bien-fondé que le degré de technicité (voir entretien du président de cette instance, Farouk Iraqi, page 22 à 26).

Toujours est-il qu’il s’agit d’un coup de pied dans une fourmilière qui recouvre bien des maux. « Les commissions d’enquête se sont d’ailleurs arrêtées aux équipements et aux conditions d’hygiène et de sécurité.

C’est omettre l’autre série de dysfonctionnements dont souffrent les cliniques », note par ailleurs Abdelmottalib Aboulfadl, président fondateur de CAP Santé, une association de défense des droits des patients.

Etablissements de tous les maux

H.H. et son époux l’ont appris à leurs dépens le jour où ils ont décidé d’avoir un enfant. Il a fallu que le jeune couple s’acquitte d’un chèque de garantie de 12 000 dirhams avant que la femme ne soit admise dans cette grande clinique de la capitale.

La pratique est… illégale. « Le législateur est clair sur l’illégalité du chèque de garantie. Et les peines sont lourdes pour toute personne morale ou physique qui accepte de l’endosser : cinq ans et une amende de 2 000 à 10 000 dirhams, sans que cette amende puisse être inférieure à 25% du montant du chèque.

Or, certaines de nos cliniques non seulement acceptent les chèques remis en garantie, mais elles les exigent. C’est dire », explique ce juriste. Mieux encore, il fallait également que notre couple accepte que le gynécologue perçoive une bonne partie de ses honoraires au noir, soit 2 500 dirhams, évidemment non remboursables.

Et malgré une prise en charge dûment remplie, et une assurance des plus avantageuses (celle de la Caisse mutualiste interprofessionnelle marocaine), les jeunes parents ont dû verser 2 000 dirhams en obscurs suppléments médicaux.

Et plus on est assuré, plus on trinque. De nombreuses cliniques proposent ainsi deux factures différentes, si vous êtes couvert ou pas, ou si vous avez vos entrées dans le service de comptabilité de telle ou telle structure.

Mieux encore, certains établissements facturent des actes non exécutés. C’est ainsi que Abdelkader, retraité, s’est retrouvé lors de la sortie de son épouse, suite à une intervention chirurgicale, devant deux factures à signer, une correspondant au montant réel dont il s’est acquitté et une autre, substantiellement plus gonflée, que la clinique comptait utiliser pour son remboursement.

Y figuraient des « nuitées » non consommées et une série de soins et de médicaments non prodigués. Soit un écart de 3 200 DH pour une opération bénigne et une demi-journée d’hospitalisation.

A cela s’ajoute un autre phénomène : les cliniques ne disposent que très rarement d’un personnel médical et paramédical dédié. Il n’est pas rare de voir des médecins et des infirmiers travailler aussi bien dans le secteur public que dans le privé, en infraction totale à la loi. « Si le noir existe, c’est pour permettre aux cliniques de payer les services d’un personnel qui n’existe pas sur le papier. Nous n’avons pas le choix », nous explique ce patron de clinique.

Le profit avant la santé

Ce recours donne parfois lieux à des pratiques pour le moins intrigantes. C’est le cas de cet éminent chirurgien de Rabat qui continue d’exercer dans le privé… bien après avoir bénéficié d’une double prime de départ anticipé à la retraite.

Une du ministère de la Santé puisqu’il exerçait dans un hôpital public. Et une autre du ministère de l’Enseignement supérieur, alors qu’il était également professeur universitaire à la faculté de médecine de Rabat.

Cela étant, la qualité des soins n’est globalement pas (encore) remise en question. « Et si la médecine a pu évoluer au Maroc, c’est aussi grâce au travail des cliniques », nuance Aboulfadl. Bien que le recours aux actes chirurgicaux soit parfois davantage justifié par des considérations de rentabilité et que les erreurs médicales défraient régulièrement la chronique.

En cause, la nécessité de faire toujours plus et toujours plus vite. Derrière cet empressement, figure la nécessité pour les cliniques de rentrer d’abord dans leurs frais et de payer leurs dettes. Il faut savoir que la loi interdit toute notion de profit dans ce domaine, les textes régissant les cliniques considérant celles-ci comme de simples associations de médecins n’ayant droit qu’à des honoraires.

« Il y a aussi la réalité voulant qu’une bonne partie de nos cliniques tournent à moins de 25% de leurs capacités et que les mieux loties enregistrent des taux d’occupation ne dépassant pas 55% », nous explique cet associé dans une grande clinique de Casablanca. Résultat, une véritable course au chiffre.

Faut-il que le patient en paye le prix ? Et doit-on tout accepter au nom de la sauvegarde d’une vague complémentarité public-privé en matière de santé ? Par sa dernière sortie, le ministère semble vouloir secouer le cocotier.

Volonté réelle d’assainir le secteur ou simple effet d’annonce politicienne. Seules les décisions à venir nous le diront. N’empêche, le débat est de nouveau sur la table. Et la société civile commence peu à peu à se l’approprier.

Tenu mercredi à Casablanca, un atelier sur le droit à la santé, organisé par l’Association marocaine de la presse médicale et Amnesty international Maroc, a été l’occasion de soulever, entre autres, la question des cliniques.

Pour Mohamed Sektaoui, « Il est temps pour nous acteurs associatifs d’aider les citoyens à mieux connaître leurs droits. Il n’est plus acceptable de permettre la création d’espaces de santé isolés sous formes de ghettos sanitaires sans évaluations, ni procédures, ni actions correctives continues ».

Tarik Qattab

Les tribulations des cliniques privées

Les cliniques privées au Maroc sont au nombre de 350. Il faut compter autant quand on intègre les structures assimilées, comme les centres de dialyse ou de radiologie. Aucune statistique sur les personnes qui se rendent dans nos cliniques n’est disponible.

La capacité de ces établissements est de l’ordre de 6 000 lits. Le secteur emploie environ 10 000 personnes en paramédical et administration. La majorité des cliniques appartiennent à plusieurs actionnaires médecins, en général au nombre de cinq.

Les cliniques privées ne sont pas des sociétés commerciales et n’ont donc pas le droit de faire de la promotion. Tout comme le secteur ne bénéficie d’aucune de ces facilités propres aux secteurs sociaux, comme l’agriculture ou l’enseignement, tous subventionnés ou du moins protégés.

« Nous travaillons dans le secteur le plus social qui puisse exister, mais il n’y a aucune loi pour nous protéger. Et fiscalement, nous ne bénéficions d’aucun avantage. Nous payons le maximum et nous sommes mis dans les rubriques les plus chères », explique-t-on du côté de l’association.

Il n’est pas rare que des cliniques soient obligées de fermer boutique. A un moment où le pays manque cruellement d’offre médicale. Le secteur lui-même n’a aucune couverture médicale. « Nous soignons les gens, mais quand nous tombons malades, nous n’avons pas les moyens de nous faire soigner. Nous avons beau le crier sur les toits, à ce jour, personne ne s’est encore penché sur la question. »

Un comble. La très critique Amnesty International Maroc (AIM) qualifie cette situation de « honteuse ». « Si même nos médecins ne sont pas sûrs de pouvoir se soigner et n'ont pas de couverture médicale, que dire de ces millions de démunis que compte le pays et qui attendent toujours leur fameux Ramed ? », ironise Mohamed Sektaoui, président d’AIM.


Contrôle : mode d’emploi

L’inspection des cliniques est réglementée par les articles 21 et 26 de la loi 10-94 régissant l’exercice de la médecine. En vertu de ce dispositif, les cliniques sont soumises au moins une fois par an à des contrôles par les services du ministère de tutelle et des représentants de l’ordre régional des médecins.

La procédure est censée protéger aussi bien les patients que le prestataire de soins. D’où une autorisation préalable du secrétariat général du gouvernement et l’accompagnement du conseil national de l’ordre des médecins. « Or, aujourd’hui, nous voyons que le ministère tente de se passer à la fois du SGG et du conseil de l’ordre.

Autrement dit, il s’érige en seul gendarme de normes qu’il n’a pas encore mises en place. Résultat, on fait de l’air stérile dans le bloc opératoire un leitmotiv, alors que la notion relève de la vue de l’esprit », ironise Farouk Iraqi, le président de l’ANCPM.


A quoi sert l’assurance maladie

Censées combler les écarts entre les montants déboursés et les (faibles) grilles de remboursement ou de prise en charge, les négociations sur les tarifs des cliniques sont relancées. Serait-ce la fin de la gabegie ?

On l’aura compris. L’un des principaux points d’achoppement entre, d’un côté, les cliniques privées, et de l’autre, le ministère de tutelle ainsi que les organismes gestionnaires de l’assurance maladie (CNSS, CNOPS…), n’est autre que les tarifs de l’Assurance maladie obligatoire (AMO).

Objet d’une convention signée entre les différents intervenants, cette grille n’a pas été actualisée depuis deux ans. Résultat, des offres de remboursement et de prise en charge très en deçà des prix pratiqués par les cliniques. Chaque partie campait sur ses positions. Les cliniques ainsi que les médecins du secteur privé demandaient une adaptation des prix à ceux du « marché ».

Les gestionnaires de l’AMO, au nom de l’impérative sauvegarde de leurs équilibres, ne voulaient rien savoir. D’où les blocages rencontrés en 2010 lorsque le ministère a lancé une première phase de négociations tarifaires. Depuis, plus rien. Les écarts n’ont fait que se creuser davantage, entraînant les pratiques frauduleuses comme la surfacturation ou le paiement de certaines prestations au noir.

Et c’est pour limiter les dégâts que le ministère de tutelle a récemment proposé un mémorandum entre, d’une part, le Conseil national de l’ordre des médecins et les syndicats des médecins du secteur privé et, d’autre part, la Caisse nationale de la sécurité sociale (CNSS) et la Caisse nationale des organismes de prévoyance sociale (CNOPS).

Le but est de relancer les négociations sur une nouvelle base. Deux conventions seront ainsi signées et soumises à des révisions régulières : l’une avec les représentants des médecins libéraux et la seconde avec les cliniques privées. Les nouvelles conventions devront être conclues au plus tard le 31 juillet prochain.

Certaines prestations, comme la réanimation, seront revalorisées. En échange, les cliniques seront responsabilisées davantage. C’est ainsi que dans le cadre de l’hospitalisation, la demande de prise en charge sera établie conjointement par le médecin traitant et le directeur de la clinique.

Une énième révision

Une commission de transparence sera mise en place par le ministère auprès de l’Agence nationale de l’assurance maladie (ANAM). Il se trouve que ce n’est pas la première fois que les conventions régissant les tarifs sont révisées. Entrées en application en 2006, celles-ci ont été revues en 2008.

Et pas moins de 7 actes (traitement contre le cancer et accouchement notamment) ont été revalorisés. « Ce n’est pas pour autant que les transgressions remarquées ont été arrêtées », déclare une source à l’Assurance maladie.

A elle seule, la CNOPS a signalé quelque 280 réclamations, notamment pour surfacturation, à l’ANAM. Mais seules trois ou quatre cliniques ont été rappelées à l’ordre. « Revaloriser les tarifs, c’est bien. Faire en sorte que les producteurs de soins s’y tiennent, c’est encore mieux.

Mais le fait est que la couverture médicale de base est toujours perçue par nos cliniques comme étant un paiement complémentaire (alors qu’elle a coûté quelque 7 milliards de dirhams à la seul CNOPS en quatre ans, dont 50% au profit des cliniques), l’essentiel étant déboursé par le patient.

C’est à se demander à quoi sert une assurance maladie », nous résume la même source. Le président de Cap Santé, Abdelmottalib Aboulfadl plaide, en guise de solution, pour la généralisation du tiers payant. Mais l’Etat en a-t-il les moyens ? « Ce qu’il faut c’est la volonté, des financements, on en trouve partout », nous répond-il.

Tarik Qattab

***

Interview

Dr Farouk Iraqi : « La viabilité, une question de profit »

Pour le président de l’Association nationale des cliniques privées du Maroc, Dr Farouk Iraqi, les maux du secteur sont à chercher dans les dysfonctionnements dont souffre tout le système de la santé et le manque de réalisme de ses responsables.

Président de la seule instance représentative des cliniques privées du pays, le Dr Farouk Iraqi est également un chirurgien de renom et un acteur politique et associatif. Il nous reçoit entre deux rendez-vous avec un naturel désarmant.

Et c’est sans dĂ©tour qu’il reconnaĂ®t les multiples dysfonctionnements dont souffrent de très nombreuses cliniques  au Maroc. Tout comme il ne manque pas d’arguments « non pas pour les justifier, mais pour les expliquer ».

Au passage, il épingle le département de tutelle pour l’absence de mesures de contrôle et laisse suggérer un potentiel abus de pouvoir. De même, il reproche aux gestionnaires administratifs (Anam, CNSS…) d’adopter des grilles de remboursement en deçà de la réalité des prix. Entretien.

 

Le ministère de la SantĂ© vient de mener une sĂ©rie de visites de contrĂ´le dans de nombreuses cliniques. Le bilan est loin d’être reluisant. Sur 80 Ă©tablissements visitĂ©s, une cinquantaine ont Ă©tĂ© dĂ©clarĂ©s non conformes, au point d’être menacĂ©s de fermeture. Que rĂ©pondez-vous Ă  ce constat ?

Je déplore au plus haut point l’attitude du ministère de tutelle. D’autant que quand on veut balayer, on commence d’abord par devant chez soi. Des problèmes existent bel et bien dans nos cliniques et je ne suis pas là pour les nier.

Mais les problèmes existent pour être résolus, et non pas pour être amplifiés au point de bloquer un système. Le ministère semble vouloir sanctionner, et non pas aider à améliorer le fonctionnement des cliniques. Autrement, qu’est-ce qui empêche le ministère de s’adresser à telle ou telle clinique pour lui signifier qu’un contrôle aura lieu ?

C’est cela qui permettra aux cliniques de faire le ménage. D’autant que nous n’avons pas été sollicités sur ce sujet. Aujourd’hui, nous sommes prêts à nous plier aux recommandations des commissions d’enquête.

 

Mais encore faut-il qu’elles ne se mettent pas, du jour au lendemain, à fabriquer des experts en normes techniques. Lesquelles normes n’existent pas, du moins officiellement. Et décider de fermer une clinique - parfois dans des régions où l’hôpital public n’existe pas -, c’est empêcher les patients de se faire soigner. Ces effets d’annonce ne font que saper la confiance existant entre ces unités et leurs patients. Or, nous avons besoin de rétablir cette confiance.

Le fait est que des dysfonctionnements existent bel et bien et nul besoin d’être un expert pour s’en rendre compte. A commencer par le fait que le personnel médical et paramédical des cliniques travaille, pour une bonne partie, au noir, en parallèle d’un autre emploi dans le public.

Il existe deux niveaux de réponse. Le premier concerne les médecins. Et à ce niveau, c’est le système du temps plein aménagé qui pose problème. Théoriquement, seuls les enseignants du supérieur, c’est-à-dire les professeurs et les professeurs agrégés, sont autorisés à travailler à la fois dans le public et dans le privé. Dans les faits, il y a des abus. Aujourd’hui, n’importe quel médecin du secteur public peut travailler dans le privé, avec, je dois l’avouer, la complicité même des cliniques.

Que faites-vous pour l’empĂŞcher alors ?

Malheureusement, nous n’avons pas l’autoritĂ© nĂ©cessaire pour stopper ce phĂ©nomène. C’est lĂ  le rĂ´le du ministère qui doit intervenir parce que c’est Ă  lui qu’incombe le droit rĂ©galien. Comme  c’est au ministère de retenir ses mĂ©decins et de sanctionner ceux qui dĂ©rogent Ă  la règle.

Qu’en est-il du personnel paramédical ?

Il y a des défaillances tellement flagrantes dans certains secteurs que si nous fermons la porte de manière systématique au personnel du public, nous ne pourrons pas travailler. Il y va de la viabilité de notre système. Nous demandons au ministère de former plus de personnes. Or, la tutelle ne forme que pour ses propres besoins.

Et les lauréats, comme les diplômés chômeurs, veulent d’abord travailler dans le public, en sachant qu’ils peuvent parallèlement intervenir dans le privé. Heureusement, cette tendance décline vu le nombre croissant des personnes formées.

Autre fâcheux recours, l’obligation qu’imposent les cliniques aux patients de dĂ©poser des chèques de garantie, illĂ©gaux par dĂ©finition, avant d’accĂ©der Ă  un quelconque soin. Trouvez-vous cela normal ?

Personnellement, j’appelle cela un prépaiement dans la mesure où nous pouvons à tout moment verser le chèque. Et il faut savoir que la loi ne nous protège pas. N’importe qui peut se faire soigner dans une clinique et puis s’en aller sans avoir payé. D’où ce recours.

Mais bien des fois, les cliniques ont dû faire face à des personnes insolvables avec des chèques en bois ou dont la famille s’est évaporée une fois le patient admis. Voir systématiquement dans ce procédé un chantage fait au patient est réducteur. La réalité est qu’une clinique est comme n’importe quelle entreprise, si elle fait faillite, elle ferme.

Maintenant, quand on nous apporte une prise en charge d’une assurance ou de l’Assurance maladie obligatoire ou d’un autre organisme tiers payant, nous nous en réjouissons. Le jour où, comme en France, nous accepterons des patients sur la simple présentation de leur carte Vital sera un grand jour pour nous. Avoir à demander aux gens de nous donner des chèques avant d’être admis est, j’y consens, horrible. Mais que faire d’autre ?

Egalement de mise, la surfacturation, soit des Ă©carts de taille entre les montants dĂ©boursĂ©s par les patients et les sommes remboursĂ©es. OĂą va la diffĂ©rence ?

Les gestionnaires administratifs ne veulent pas reconnaître la réalité des prix et c’est dramatique. L’Etat paye les cliniques suivant des grilles largement inférieures à la réalité des coûts des soins. D’où la surfacturation, qui n’en est pas une. Il s’agit d’une adaptation à la réalité des prix. Par exemple, l’AMO règle 300 dirhams pour une journée d’hospitalisation, alimentation comprise, alors qu’elle coûte 800 à 900 dirhams.

L’AMO paye la journée de réanimation 1 500 dirhams alors que celle-ci revient à 4 500 dirhams. Nous sommes obligés de répercuter. N’oublions pas que pour continuer, une clinique se doit de faire du bénéfice. La viabilité, c’est aussi une question de profit.

Ce n’est pas ce que disent les textes régissant le secteur.

Parce que les lois ne sont pas adaptées à la réalité. Et parce que nos gestionnaires ne veulent pas travailler sur la base des vrais prix. Et quand nous leur posons la question, ils nous répondent en affirmant ne pas avoir d’argent et en nous invitant à trouver les solutions nous-mêmes. Nous sommes disposés à mener des études précises de coûts pour une facturation la plus proche possible de la réalité.

Encore faut-il que nos gestionnaires suivent. Mais au lieu de s’acharner à trouver des financements pour couvrir les prestations de soins, ils préfèrent se couvrir derrière l’impossibilité de payer et nous mettent en porte à faux avec les patients.

Hygiène, sous-équipement, matériel vétuste, services sous-traités… la liste est encore longue.

Je pars du principe que dès qu’on sous-paye un service, il ne faut pas s’attendre à des miracles de ce côté. Autrement, je considère qu’une clinique se doit, même si elle est déficitaire, ou de donner des prestations de qualité ou de fermer. Il n’est pas question de justifier une mauvaise prestation, un mauvais accueil ou une mauvaise hygiène.

Il y a aussi le recours rĂ©current Ă  des actes chirurgicaux non justifiĂ©s et aux cĂ©sariennes abusives. Qu’est-ce qui explique ces choix ?

Le recours systématique à des procès pour faute médicale est devenu la règle. C’est un problème d’autant plus grave que certains secteurs médicaux n’arrivent plus à se faire assurer parce que nos juges accordent la totalité de la prime d’assurance au premier malade qui se présente.

Soit, quand une clinique est assurée à hauteur de deux millions de dirhams, le premier malade à porter plainte remporte deux millions de dirhams. Ce qui oblige les médecins à redoubler de prudence. D’où le recours dans les accouchements à des césariennes, le moyen le plus sûr de sauver la vie tant de la maman que du bébé. Il y a une peur qui n’existait pas avant.

Avant, les patients admettaient que des complications puissent se produire. Tel n’est plus le cas aujourd’hui. D’où les poursuites judiciaires et la crainte des médecins qui ne peuvent pas jouer avec le feu puisqu’à la moindre incartade, ils sont sanctionnés.

Ils vont vers ce qui est le plus sécurisant. D’autant plus qu’une césarienne est une opération presque anodine qui se déroule en général dans de bonnes conditions. Pourquoi se priver du confort et de la garantie qu’offre la césarienne et prendre des risques somme toute inutiles ?

Précisons que le médecin ne gagne pas plus d’argent en procédant à une césarienne. Au contraire, un médecin gagne plus d’argent lors d’un accouchement normal, d’ailleurs plus valorisant.

Propos recueillis par Tarik Qattab

 

***

Capitaux : l’ouverture de la discorde

La ministre de tutelle persiste et signe : une des solutions pour le développement du système privé de santé est l’ouverture du capital des cliniques à des non-médecins. Cette disposition, figurant dans le nouveau projet de loi sur l’exercice de la médecine, s’explique selon Yasmina Baddou par son « succès » aussi bien en Europe que dans des pays comme la Tunisie ou la Jordanie. « Si ces pays confrères ont réussi à tirer la médecine vers le haut, c’est tout simplement grâce à l’appel aux investissements des non-médecins et aux capitaux étrangers », avait-elle déclaré au Parlement.

Un avis loin de faire l’unanimité au sein de la profession. « Je suis de ceux qui pensent qu’il faut réfléchir d’abord à l’intérêt du patient. Suivant cette optique, je me rends compte que les défaillances actuelles seront multipliées par trois ou quatre si le capital des cliniques s’ouvre à des non-médecins. Un investisseur non-médecin voudra d’abord gagner de l’argent. Beaucoup d’argent. Les cliniques s’orienteront de facto vers les actes qui rapportent le plus d’argent et abandonneront ceux qui n’en rapportent pas assez. Cela va biaiser la liberté de la pratique médicale », rétorque le Dr Iraqi. Même avec les garanties d’indépendance des médecins promises par la tutelle ? « Il y aura les textes, mais aussi la réalité. Le médecin va perdre toute autonomie face à l’actionnaire. C’est prouvé dans les pays où une telle logique a été adoptée. A cause de ce système, la sécurité sociale en France accuse un déficit énorme. Sauf que dans ce pays, l’Etat vient combler ce déficit annuellement. Au Maroc, non seulement l’Etat ne compense pas, mais il ne met pas de règles pour soutenir ce futur système. C’est le fiasco assuré », ajoute-t-il.

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Actuel n°94 : Moi, Adil, 25 ans, marchand de chaussures et terroriste  
N°93 : Ces cliniques qui nous ruinent 
Actuel n°92 : Qui cherche Ă  dĂ©stabiliser le pays ?  
Actuel n°92 : Â«â€‰Nos attentes sont plus grandes que le 20-FĂ©vrier »  
Actuel n°92 : Trois jeunesses 
Actuel n°92 : Attentat : Le jeudi noir de la ville ocre  
Actuel n°92 : RĂ©volutions et attentats Sale temps pour Zenagui 
Actuel n°92 : Mais que veulent les jeunes ? 
Actuel n°92 : Il n’y pas que le 20-FĂ©vrier…  
Actuel n°91 : Le grand nettoyage 
Actuel n°90 : Le retour des adlistes 
Actuel n°89 : Ruby : sexe, mensonges et vidĂ©o 
Actuel n°88 : ImpĂ´ts : Halte Ă  la fraude 
Actuel n°87 : Hassan II TV c’est fini 
Actuel n°86 : Marine Le Pen : L’islam, les Arabes et moi 
Actuel n°85 : Vive le Maroc libre 
Actuel n°84 : Rumeurs, intox : Ă  qui profite le crime ? 
Actuel n°83 : ET MAINTENANT ? Une marche pour la dĂ©mocratie
Actuel n°81 : Sale temps pour les tyrans 
Actuel N°72 : Aquablanca : La faillite d’un système  
Actuel n°69-70 : Benguerir sur les traces de Settat 
Actuel n°68 : Art, sexe et religion : le spectre de la censure 
Actuel n°67 : Dans les entrailles de Derb Ghallef 
Actuel n°66 : Ces FQIHS pour VIP 
Actuel n°65 : RNI, le grand politic show 
Actuel n°64 : Bourse de Casablanca, des raisons d’espĂ©rer 
Actuel n°63 : Ex-ministres :  y a-t-il une vie après le pouvoir ?
Actuel n°62 : Le code de la route expliquĂ© par Ghellab
Actuel n°61 : La vie sexuelle des Saoudiennes… racontĂ©e par une Marocaine
Actuel n°60 : Chikhates, shit et chicha 
N°59 : Eric Gerets, la fin du suspense ?
N°58 : Onze ans, onze projets 
N°57 : Raid sur le kif 
N°56 : Sea, Sun & Ramadan 
N°55 : Casablanca, mais qui est responsable de cette pagaille ?
N°54 : Ces ex-gauchistes qui nous gouvernent 
N°53 : Au cĹ“ur de la prostitution marocaine en Espagne 
N°52 : DiplĂ´mĂ©s chĂ´meurs : le gouvernement pris au piège
N°51 : 2M : Succès public, fiasco critique
N°50 : L’amĂ©rique et nous 
N°49 : Crise, le Maroc en danger ?
N°48 : Les 30 Rbatis qui comptent 
N°47 : Pourquoi El Fassi doit partir 
N°46 : Chirurgie esthĂ©tique :  plus belle, tu meurs
N°45 : McKinsey dans la ligne de mire  
N°44 : Trafic sur les biens des Ă©trangers 
N°43 : Avec les Ă©vadĂ©s de Tindouf 
N°42 : GCM / Tamesna : Un scandale en bĂ©ton !
N°41 : ONA - SNI: Ils ont osĂ©
N°40 : Enseignement: Missions Ă  tout prix
N°39 : Le Maroc, terre d'accueil des espions 
N°38 : Bleu Blanc Beurk 
N°37 : Boutchichis Les francs-maçons du Maroc
N°36 : Hamid Chabat rĂ©veille les vieux dĂ©mons
N°35 : Vies brisĂ©es 
N°34 : Maires Ceux qui bossent et ceux qui bullent
N°33 : Botola Combien gagnent nos joueurs
N°32 : Sexe, alcool, haschich, jeux… Les 7 vices des Marocains
N°31 : Tanger Le dossier noir des inondations
 
 
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