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Chabat :  retenez-moi ou je fais un malheur !
actuel n°45, samedi 1 mai 2010
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Il veut faire la grève du premier mai… Mais nous promet une grève générale. Info ou intox. Chabat tente surtout de raviver un syndicat qui, comme les autres, est en perte de vitesse.


***

Chabat mettra-t-il sa menace à exécution ? Le mercredi 21 avril, le secrétaire général de l’Union générale des travailleurs du Maroc (UGTM) avait annoncé qu’il allait se plier à la décision du conseil général du syndicat de ne pas participer aux prochaines festivités de la Fête du travail du 1er Mai. Pour justifier ce boycott, le maire de Fès a accusé les patrons d’entreprises publiques de faire cavalier seul et de ne pas croire au dialogue social, citant nommément le directeur de la Caisse nationale de sécurité sociale et celui de Royal Air Maroc. Le secrétaire général de l’UGTM a précisé que son syndicat mettait à l’index les festivités du 1er Mai qui ne sont plus « qu’hypocrisie sociale et routine ennuyeuse ». La décision du boycott se justifie, selon le dirigeant de l’UGTM, par « la persistance des atteintes aux libertés syndicales et par le traitement réservé au dossier revendicatif du syndicat qui souligne la nécessité de promulguer une nouvelle loi relative aux syndicats professionnels et une autre réglementant le droit à la grève ».

Fidèle à son habitude, le tout puissant patron de la centrale syndicale de l’Istiqlal a brandi l’épouvantail d’une grève générale qui rappellerait celle du 14 décembre 1990. Il a appelé à faire de cette grève prévue pour le 14 décembre prochain « un slogan national et une journée de festivités ». A l’époque, la grève générale lancée à l’appel de l’UGTM avait dégénéré en violences de rue, essentiellement à Fès, provoquant des dégâts matériels importants et des morts par dizaines (112 décès selon le rapport de l’IER). « Cette grève a eu le mérite de créer une nouvelle ère », s’est gargarisé le leader syndical.

Adepte de la realpolitik

Chabat a-t-il les moyens de ses menaces ? Rien n’est moins sûr. Pour une raison très simple, l’UGTM est avant tout le syndicat de l’Istiqlal, le parti au gouvernement, et Chabat, malgré ses sorties tonitruantes reste un grand adepte de la realpolitik. « De ce fait, il connaît mieux que quiconque le danger qui existe à chauffer à blanc des populations exaspérées par la balkanisation de la nation, partagée entre le noyau dur des clientèles protégées et le nouveau tiers état de la précarité », commente l’un de ses lieutenants.

Il n’y a pas que cela. L’UGTM et les autres syndicats n’ont plus les ambitions de leur discours ; le nombre de personnes syndiquées est en diminution constante depuis les années 80, de sorte que le taux de syndicalisation est aujourd’hui à son plus faible niveau : 6 % au Maroc alors qu’il atteignait presque 25 % à la fin des années 70. Ces baisses successives des adhésions concernent toutes les centrales. Les raisons relèvent principalement de l’incapacité des syndicats à offrir des services et des bénéfices concrets.

La plupart des avantages qu’ils obtiennent sont de type collectif et, une fois ces avantages acquis, rien n’empĂŞche un salariĂ©, syndiquĂ© ou non, d’en tirer profit. 

La chute des adhésions tient aussi à l’absence d’une loi qui inciterait les salariés à se syndiquer. La politique sociale du gouvernement et la crise qui a frappé le monde de l’entreprise ont également réduit à néant les possibilités des syndicats « d’offrir des promesses d’emplois » à leur adhérents. Et enfin, l’intervention de plus en plus forte des politiques dans la cuisine interne des syndicats fait que les salariés les soupçonnent de faire le jeu de leur parti, voire du gouvernement, contre les intérêts du « prolétariat » .

Abdellatif El Azizi

Trois centrales dominent les 17 syndicats existants

L’UGTM (Union générale des travailleurs du Maroc)
Chabat Ă  feu  et Ă  sang

Quand Abderrazak Afilal, miné par la maladie, a fait de Hamid Chabat son confident, il n’imaginait pas qu’il avait fait entrer le loup dans la bergerie. Très vite entre lui et son poulain, les rapports vont virer à l’affrontement direct avant que le disciple ne finisse par faire mordre la poussière au maître. Résultat, c’est une véritable bête de scène qui dirige aujourd’hui le puissant syndicat de l’Istiqlal. Rusé, communicateur de talent, Chabat sait doser ses sorties ; son syndicat qu’il utilise souvent à des fins politiques lui sert de faire-valoir auprès de l’Istiqlal certes, mais il lui permet également de tenir la dragée haute aux autres formations politiques. L’ex-ouvrier qualifié est d’ailleurs un fin politique qui, jusqu’à présent, a su habilement mener sa barque entre les surenchères de la mairie de Fès et les contraintes de la vie politique nationale. Si Abbas El Fassi tient encore tête à ses adversaires politiques, c’est un peu grâce à la combativité de Chabat et à la crainte qu’il inspire autour de lui. Quant à l’UGTM, ce qui vaut pour les autres syndicats vaut pour la centrale de l’Istiqlal ; à savoir une érosion de sa représentativité et un fonctionnement sclérosé.

L’ UMT (Union marocaine du travail)
La gérontocratie au pouvoir

Le cas Mahjoub Benseddik aurait-il échappé aux rédacteurs du Guiness ? C’est pourtant, aujourd’hui, le plus vieux chef d’un syndicat qui est resté 55 ans à la tête de l’UMT. L’homme qui s’était fait remarquer en se faisant arrêter dans la grande rafle du 8 décembre 1952, à la suite des manifestations contre l’assassinat du leader nationaliste tunisien Ferhat Hachad, règne en maître absolu sur l’empire de l’avenue des FAR. Stalinien, celui qui fut l’un des membres fondateurs de l’UMT, un 20 mars 1955, a tout de suite jeté son dévolu sur la direction du syndicat. Depuis, ses nombreux ennemis, que ce soit des patrons d’entreprises, des membres du gouvernement ou de simples délégués syndicaux savent à quoi s’en tenir avec Benseddik, fortement diminué par la maladie mais toujours prêt à en découdre. Pour Benseddik, le syndicalisme, c’est un soupçon d’actions revendicatives dilué dans une harangue politique aux intonations radicales. Apparemment farouchement opposé au pouvoir, partisan de l’indépendance de l’UMT vis-à-vis des partis politiques, Bensedikk sait mettre de l’eau dans son vin quand il le faut, notamment quand il fallait aider les candidats de l’UC à gagner quelques mairies, lors des élections.

CDT (Confédération démocratique du travail)
Il Ă©tait une fois Amaoui

En 1978, Noubir Amaoui se lie Ă  Omar Benjelloun (leader socialiste assassinĂ© en 1975) pour casser l’UMT, accusĂ©e d’avoir sacrifiĂ© « le militantisme de gauche » en vendant  ses travailleurs au patronat. Le bras de fer avec l’UMT va dĂ©boucher sur une coalition syndicale crĂ©Ă©e avec les tĂ©nors de l’USFP qui rĂ©gnaient en maĂ®tre sur des secteurs vitaux tels que l’enseignement, la santĂ© ou encore les cheminots, signant ainsi l’acte de naissance de la CDT. « Bousberdila » (l’homme aux baskets) comme le surnommaient ses pairs, aura aussi sa fameuse grève. En 1981, la grève gĂ©nĂ©rale va virer en batailles rangĂ©es avec les forces de l’ordre. Les Ă©meutes vont paralyser le pays entier et la centrale est en première ligne face Ă  Hassan II. La rĂ©pression est fĂ©roce, les morts se comptent par dizaines. L’USFP n’avait pas vraiment besoin de ça. C’est le dĂ©but du divorce. Amaoui se fait arrĂŞter et chacune de ses sorties mĂ©diatiques le conduit en prison comme celle oĂą il dĂ©clare que « le roi doit rĂ©gner sans gouverner ». Ă€ l’avènement de l’alternance, il met un point d’honneur Ă  dĂ©crĂ©dibiliser les cadors du parti tels que Mohamed Elyazghi. Ă€ l’issue du 6ème congrès de l’USFP, en 2001, Amaoui et la CDT quittent l’USFP pour crĂ©er le CNI dont Abdelmajid Bouzoubaâ, son lieutenant Ă  la centrale, est nommĂ© secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral. 

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