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La Samir au pied du mur 
actuel n°154, jeudi 9 août 2012
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L’heure des comptes a sonnĂ©. 14 milliards  de dettes bancaires et pas un dirham de fonds injectĂ© ! Le groupe Corral doit, d’urgence, renflouer le capital de la Samir pour bĂ©nĂ©ficier d’un rĂ©Ă©chelonnement de ses dettes. Pour l’heure, la raffinerie est au bord de l’asphyxie.


Comment en sommes-nous arrivĂ©s là ? L’unique raffinerie du Royaume est au bord de l’asphyxie. Et la derniĂšre sortie mĂ©diatique, dĂ©but juillet, de Sheikh Mohammed Hussein Al Amoudi, prĂ©sident de Corral et du conseil d’administration de la Samir, en prĂ©sence du ministre des Finances et du top management des deux banques crĂ©anciĂšres, n’a pas suffi Ă  rassurer les milieux financiers. Aucune dĂ©cision concrĂšte n’a Ă©tĂ© prise Ă  ce jour. Les deux banques, Attijariwafa bank et BCP, ont dĂ©cidĂ© de fermer les robinets tant que l’actionnaire  n’aura pas renflouĂ© le capital de la raffinerie. « Le prĂ©sident de Corral a rĂ©affirmĂ© son attachement Ă  ses investissements au Maroc et son intention de les dĂ©velopper et les Ă©tendre Ă  d’autres secteurs », indique le communiquĂ© de la Samir au lendemain de la tenue de la rĂ©union. Ce message n’a pas pour autant rassurĂ© le marchĂ©, bien au contraire. Il trahit mĂȘme, en langage des banquiers d’affaires, la volontĂ© de l’actionnaire de se dĂ©sengager
 HypothĂšse prise au sĂ©rieux tant que l’augmentation de capital de la raffinerie de 1,7 milliard de dirhams, entĂ©rinĂ©e le 3 mai par le conseil d’administration, n’aura pas Ă©tĂ© concrĂ©tisĂ©e. D’ailleurs, selon les milieux financiers Ă©trangers, Corral Ă©tait prĂȘt Ă  vendre la Samir pour 400 Ă  500 millions de dirhams, sans trouver preneur.

 

14 MMDH de dette en 2011

Face Ă  l’atonie de Corral, les banques crĂ©anciĂšres sont donc montĂ©es au front en juillet. Pas question d’envisager une nouvelle restructuration de la dette bancaire tant que les fonds propres n’auront pas Ă©tĂ© renflouĂ©s.

Depuis le rachat de la Samir en 1997, le groupe a recouru au crĂ©dit pour financer un projet de modernisation ambitieux,  grĂące aux banques locales d’habitude si prudentes. EstimĂ© au dĂ©part Ă  4 milliards de dirhams, le projet sera rĂ©Ă©valuĂ© d’abord Ă  7 milliards de dirhams, sous l’effet de la flambĂ©e des matiĂšres premiĂšres. Au final, l’investissement explosera Ă  13 milliards de dirhams. Si aujourd’hui la Samir est confrontĂ©e Ă  un dĂ©sĂ©quilibre financier d’une telle gravitĂ©, c’est parce que l’actionnaire n’a pas injectĂ© un dirham en fonds propres pour financer cette raffinerie ultramoderne, stratĂ©gique pour le pays. Il a puisĂ© allĂšgrement dans les crĂ©dits jusqu’à dĂ©passer les ratios prudentiels fixĂ©s par la rĂ©glementation bancaire.

« Corral a toujours privilĂ©giĂ© la dette bancaire Ă  l’autofinancement pour rĂ©aliser le projet de modernisation de la Samir », rappelle un analyste. Au point que l’endettement du groupe a explosĂ© entre 2008 et 2011 de 9 milliards Ă  14 milliards de dirhams. « Ce qui dĂ©note Ă  la fois le manque d’implication de Corral et l’engagement excessif des banques locales ! »

Sur la pĂ©riode 2008-2011, le financement du projet de la Samir est constituĂ© Ă  75% par des dettes bancaires et 25% de capitaux propres. « Or, ce mode de financement n’est pas adaptĂ© Ă  la nature mĂȘme de son activitĂ©. » Face Ă  une activitĂ© volatile dont les niveaux de marge et les rĂ©sultats futurs sont peu prĂ©visibles, le financement devrait privilĂ©gier les capitaux propres et limiter l’endettement. D’autant que le top management se refuse Ă  recourir aux instruments de couverture, les swaps, pour limiter l’impact des fluctuations des cours sur les marges. Des marges qui s’effritent sous l’effet de la concurrence des produits importĂ©s. La force de frappe des importateurs, comme Akwa Group, a mis un terme au monopole de la Samir, grĂące Ă  une capacitĂ© de stockage importante. Au point que les produits importĂ©s contrĂŽlent aujourd’hui 40% du marchĂ©. Au regard de ces mutations, ne faudrait- il pas revoir Ă  la baisse la capacitĂ© de remboursement de la Samir ?

Plus grave encore, l’équilibre bilanciel de la Samir n’est pas respectĂ© puisque les dettes Ă  court terme financent les investissements Ă  long terme, au lieu de couvrir les besoins en fonds de roulement. « La Samir a atteint les limites au niveau de l’endettement Ă  long terme qui caracolait en 2010 Ă  4,5 milliards de dirhams, alors que les capitaux propres ne dĂ©passaient guĂšre 5 milliards de dirhams », est-il prĂ©cisĂ©. D’oĂč le recours massif aux dĂ©couverts bancaires nĂ©gociables chaque annĂ©e, pour financer des investissements pour un montant de 10 milliards de dirhams. Aujourd’hui, la Samir ne dispose plus d’aucune marge de manƓuvre, que ce soit au niveau des emprunts Ă  long terme ou des crĂ©dits Ă  court terme que les banques tentent aujourd’hui de contenir. Or, la raffinerie affiche des dĂ©lais clients longs qu’elle est tenue de financer, les distributeurs Ă©tant eux-mĂȘmes tributaires des rythmes de rĂšglement de la Caisse de compensation. « Elle a constamment besoin de crĂ©dits de trĂ©sorerie supplĂ©mentaires. Ce qui aggrave sa vulnĂ©rabilitĂ© et sa forte dĂ©pendance face au financement bancaire ».

Quoi qu’il en soit, la situation financiĂšre de la Samir n’est pas due au hasard. Elle est le fruit du mode de gestion de l’actionnaire depuis sa privatisation. Aujourd’hui, le niveau d’endettement (14 milliards de dirhams) reprĂ©sente 3 fois ses capitaux propres (5 milliards de dirhams). Cela en dit long sur le degrĂ© de confiance de Corral dans l’avenir de l’entreprise.

Finira-t-il par renflouer le capital de la Samir pour Ă©viter le pire ? A moins que l’inertie de l’actionnaire saoudien ne soit annonciatrice d’un bras de fer avec le gouvernement Benkirane.

Mouna Kably & Khadija El Hassani

Dates clés

 

1959: Construction de la premiĂšre unitĂ© de distillation de pĂ©trole brut d’une capacitĂ© de 1,25 million de tonnes par an.

1973: Marocanisation de la sociĂ©tĂ© qui devient une entreprise Ă©tatique. L’Etat rachĂšte les parts dĂ©tenues par les Italiens.

1996: Mise en Bourse de 30% du capital.

1997: Privatisation et transfert de 67,27% du capital au groupe Corral.

Fin 2004: Corral s’engage Ă  moderniser la Samir en rĂ©alisant un investissement de plus de 6 milliards de dirhams. Une convention de mise Ă  niveau entre l’Etat et la Samir est signĂ©e.

Sept 2005: DĂ©marrage des travaux de modernisation de la raffinerie.

2009: Le CDVM Ă©pingle la Samir pour non-publication d’un profit warning. Elle tablait sur un bĂ©nĂ©fice de 500 millions de dirhams et affiche une perte de 1,2 milliard de dirhams. Plus grave encore, elle lance, en dĂ©but d’annĂ©e, un emprunt obligataire de 800 millions de dirhams.

2011: DĂ©marrage de la nouvelle unitĂ© de production de bitume d’une capacitĂ© de 280 000 tonnes par an.

Mai 2012: Les actionnaires approuvent l’augmentation de capital de 1,75 milliard de dirhams.

Juillet 2012: L’Etat et les banques crĂ©anciĂšres exigent la concrĂ©tisation de l’augmentation de capital.

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