RAS. Rien à signaler. Il est arrivé à l’heure, il a chanté devant une assistance sous le charme, il a offert un show de pro réglé au millimètre. Il nous avait promis le matin même que le concert serait mémorable et il a tenu parole. Chapeau l’artiste. Et bravo le Maroc.

Après avoir renoncé à chanter en Egypte face à la pression des islamistes, Elton John n’a pas séché son rendez-vous marocain. Un comité d’accueil bien intentionné a pourtant tout fait pour l’en dissuader. Après Attajdid, le Conseil des ouléma de Aïn Chock a appelé mardi 25 mai à s’abstenir « d’accueillir des homosexuels délinquants et égarés sur le territoire du Maroc ». Dans sa prose pittoresque, Redouane Benchekroun constate « qu’une plante vicieuse émerge et incite à la débauche ».

D’abord, on se pince. Un conseil religieux dépendant des Habous décide de s’attaquer à un festival organisé sous le haut patronage du commandeur des croyants ! Ces attaques contre la vie privée d’un invité du Royaume tomberaient sous le coup de la loi dans de nombreux pays. En Europe, l’incitation à la haine, en raison des préférences sexuelles, comme le racisme et l’antisémitisme sont des délits. Chez nous, au nom de l’islam, on se permet les pires dérives liberticides. Nous n’avons pas à devenir les otages de talibans locaux qui veulent réglementer notre vie. Ces obscurantistes profitent de la liberté qu’on leur accorde pour s’attaquer à la liberté des autres.  Doit-on, au nom de la tolérance, tolérer ceux qui n’en ont pas ?

Tout aussi inquiétante que les anathèmes de Redouane Benchekroun, la charge d’Ahmed Raïssouni, idéologue en chef du MUR, ne nous rassure pas sur les capacités d’écoute et de dialogue de nos salafistes. Depuis son exil saoudien, le fqih s’est empressé, l’avant-veille du concert, d’édicter une fatwa contre Elton John. Relayés par Akhbar Al Youm, les propos du salafiste, toujours très suivis au Maroc, relèvent de la paranoïa élémentaire puisque ce dernier considère que l’invitation d’Elton John est « un grand complot des modernistes qui mènent une offensive tous azimuts pour introduire des phénomènes anti-islamiques et anti-traditionnels ». Comme si ce n’était pas d’abord les qualités musicales et scéniques de la pop star qui justifiaient sa venue !

La théorie du complot est l’une des plus pernicieuses qui soient. Irrationnelle et démagogue, elle justifie tous les débordements, toutes les guerres civiles. Ahmed Raïssouni est un pyromane aveuglé par ses croyances.

Il n’y a pas de complot contre l’islam. Il y a simplement une tradition séculaire de tolérance qui s’exprime à travers ce festival. Dans quel autre pays du monde arabe trouverait-on programmés dans la même salle, à un jour d’intervalle, l’Israélien d’origine marocaine Sibony et Salma la Palestinienne ? 

C’est ce Maroc-là que Mawazine a montré au monde. Un Maroc ouvert qui vibre au rythme des sons de toute la planète. Un Maroc qui n’a pas peur de l’autre et de ses différences. Un pays qui mérite les derniers mots d’Elton John à l’issue de sa communion avec les 40 000 spectateurs de Souissi : « Que Dieu bénisse le Maroc ! » Le Royaume en a bien besoin face aux illuminés qui parlent en Son nom…  

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