Le créateur du concept « Moroko Loko » sillonne le monde avec ses platines, et est déjà considéré comme l’ambassadeur nord-africain de la musique électronique.
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Dans la vie, il y a ceux qui se contentent d’une existence ordinaire, avec un boulot qui ne l’est pas moins. Et puis ceux qui choisissent de prendre leur vie en main, en faisant ce qui les rend heureux, aussi difficile que puisse s’annoncer la trajectoire. Amine Akesbi fait partie de ces audacieux, et à voir ses yeux briller lorsqu’il évoque la moindre anecdote de son parcours, on ne peut que constater qu’il a fait le bon choix. Vous ne l’entendrez jamais de sa bouche, mais du haut de ses 27 ans, Amine K est d’ores et déjà considéré comme « The » ambassadeur nord-africain de la musique électronique underground. Capable d’enchaîner Ibiza, Marrakech et Paris en quinze jours, il a su rapidement se faire un nom à l’échelle internationale, se retrouvant programmé sur les cinq continents. De Sydney à Montréal en passant par la Thaïlande et les dunes du Sahara, Amine s’est produit dans quelques-uns des plus prestigieux clubs et festivals dédiés à l’électro. C’est en sillonnant les boîtes de nuit de Beyrouth, où il étudie en terminale, que le déclic se crée. « J’étais fasciné par l’effet que cette musique produisait sur les gens, moi le premier, elle les mettait en transe », se remémore-t-il.
Mais Amine ne se contente pas d’un baccalauréat. Il poursuit de brillantes études à Paris et à Sydney dans un secteur qu’il aime tout autant, l’économie. Une fois acquis son diplôme en Finances de marché, Amine est prêt à conquérir le monde, mais sa vraie vocation ne tarde pas à le rattraper au galop. Revenu au bercail, Amine est décidé. La vie est trop courte pour passer à côté de ce que l’on aime, il deviendra donc DJ. « La musique sert à élever la conscience, l’esprit et l’âme. C’est du pur partage qui rassemble des millions de personnes autour de multiples valeurs. J’étais convaincu de ma décision à 100%, mais je devais tout de même affronter les deux personnes dont l’avis comptait le plus pour moi, mes parents. » Il faut dire qu’Amine est la progéniture de deux figures intellectuelles des plus engagées au Maroc. Son père, Najib Akesbi, n’est autre que le grand économiste de gauche. Quant à sa maman, Najat Rochdi, elle est l’actuelle directrice-adjointe du PNUD. « Ils m’ont dit que tant que je m’assumais, ils seraient toujours avec moi. Ils m’épatent tous les jours, chacun à sa façon, et me mettent la barre très haut ; ça me pousse à m’investir encore plus et à toujours me dépasser. » La fierté, Amine la lira dans les yeux de son père, en 2007, lorsqu’il l’observe sur le devant de la scène, debout parmi les cinq mille personnes venues assister au festival électro qu’il a organisé, premier en son genre dans le monde arabe, et dont les bénéfices ont été totalement reversés aux enfants malades du cancer. Car engagé, Amine l’est autant dans la musique que dans les idées. Le 20 février 2011, il a fait partie de ceux qui sont sortis exiger un Maroc plus libre et plus démocratique. Il poursuit son chemin, gravissant petit à petit les échelons du succès. Mais dans un domaine où la concurrence est rude, tout ne lui est pas servi sur un plateau. « J’ai toujours été perfectionniste. Je fais tout pour être le premier, mais en restant intègre et honnête. Or dans ce pays, tu as beau ne rien faire de mal, on fait tout pour te descendre. Je vis dans le monde des bisounours. Pour moi, le bien est dans chacun de nous, du coup je me fais facilement avoir. »
Voulant à tout prix casser les codes figés des soirées marocaines, trop superficielles à son goût, Amine créera, en 2009, avec le DJ Unes et deux autres collègues le concept « Moroko Loko » « Les règles, c’est qu’il y a pas de règle. Laisser son cerveau dehors. Tenue incorrecte exigée. Déguisement fortement souhaité. Comme ça, les gens font vraiment la fête, et passent une soirée mémorable sans rien calculer », explique le DJ. A bas les fringues de marque et les talons, chez Amine, la « teuf » se fait en mode « loco » (fou). Et ça marche. En l’espace de deux ans, les soirées Moroko Loko sont devenues un « must go » pour les fêtards invétérés. Le concept ira jusqu’à interpeller les organisateurs de la Technoparade de Paris qui, séduits par sa prestation en 2011, feront du Moroko Loko, et donc du Maroc, l’invité d’honneur de sa 14e édition. Une vraie consécration pour le DJ marocain qui voit son concept défiler devant 400 000 amateurs, et de grandes figures politiques et culturelles françaises. « Le ciel, c’est la limite », répète-t-il sans cesse. Avec son potentiel, son ambition et sa volonté de fer, c’est un artiste à suivre de très près. Après tout, il règne déjà en maître sur le monde de la nuit. Il a des étoiles plein les yeux, au-dessus de ses platines… et il n’est pas loin d’en devenir lui-même une grande.
Ranya Sossey Alaoui |